LA PLAINE D’ACHERES : REFLEXIONS SUR UN ESPACE D’ENTRE-DEUX

Caroline ROZENHOLC

Laboratoire ACS École Nationale Supérieure d’architecture Paris-Malaquais
Géographe
caroline.rozenholc@univ-poitiers.fr

Patrick CÉLESTE

Laboratoire ACS École Nationale Supérieure d’architecture Paris-Malaquais
Architecte DPLG
agenceceleste@club-internet.fr

Orfina FATIGATO

Laboratoire ACS École Nationale Supérieure d’architecture Paris-Malaquais
Architecte
orfina.fatigato@gmail.com

Andreï FERARU

Laboratoire ACS École Nationale Supérieure d’architecture Paris-Malaquais
Architecte, urbaniste
aaferaru@worldonline.fr

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Résumé
Cet article fait suite aux propositions de l’équipe du laboratoire de recherche ACS (ENSA Paris-Malaquais) dans le cadre de l’Atelier International du Grand Paris  (AIGP) depuis 2008. Il reprend également le travail que les chercheurs d’ACS mènent sur les Entre-Lieux au sein du programme ANR TerrHab « De l’habitabilité à la territorialité (et retour) : à propos de périurbanités, d’individus et de collectifs en interaction » (UMR Pacte – Université de Grenoble). Sur la base de ces travaux, il s’agit dans cet article de conduire une double investigation théorique et de terrain pour, d’une part, reconnaître, décrire et comprendre des pans entiers de territoires périurbains délaissés ou décriés et, d’autre part, pour évaluer leurs capacités de transformation, voire de métamorphose. Le premier volet de l’article tente de fédérer ce qu’il y a de commun entre des expressions cherchant à qualifier ces espaces – non-lieux, friches, terrain vagues, vides ou délaissés – pour en déceler les potentialités. Le second volet est une application de cet outil théorique à une commune du Grand Paris, Achères, une ville de 20 000 habitants située dans les Yvelines. En conjuguant ces deux volets, nous proposons un mode d’analyse de terrain et une grille de lecture des entre-deux, dans leurs dimensions spatiales et dans leurs dynamismes temporels.

Introduction
De l’analyse des différents paysages de l’Île-de-France développée lors de la consultation portant sur « Le Grand Pari(s) », nous avons constaté qu’au-delà des limites des urbanisations continues – les centres historiques et leurs faubourgs –, le territoire est aujourd’hui largement constitué d’entités plus ou moins étendues, distantes les unes des autres, et qui semblent s’opposer. Cette fragmentation du territoire semble encore renforcée par les infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, mais aussi par les grandes emprises commerciales, industrielles et les entrepôts qui, le traversant, viennent y établir des barrières difficilement franchissables. Ainsi, paradoxalement, la route ou les voies ferrées, qui devraient unir et relier, morcellent le territoire comme le font d’ailleurs les divisions administratives et les superpositions de compétences en multipliant les espaces sans statut et auxquels le mot « d’entre-deux » géographiques, statutaires ou temporels peut s’appliquer.
Partant de ce constat, il s’agit dans cet article de contribuer à la compréhension de ces espaces souvent peu reconnus, bien qu’ils recèlent un fort potentiel en termes de réserve foncière et de requalification urbaine. À cette fin, nous présenterons un travail mené dans le cadre d’un programme de recherche sur l’habitabilité des territoires urbains pour lequel la commune d’Achères (une commune d’environ 20 000 habitants située dans les Yvelines) est un lieu d’études privilégié. La réflexion qui en découle sera ici structurée en deux temps : une première partie générale, à laquelle répondra une deuxième partie plus précisément liée à ce terrain d’étude francilien. Cette seconde partie sera organisée en six « traits » qui forment une grille d’identification et de lecture des entre-deux. La conclusion proposera une définition possible de ce type d’espaces-temps qu’est l’entre-deux : un écart mal identifié entre deux entités reconnues, un état intermédiaire, une étape, parfois longue et « installée », de transition entre entités géographiques. Contribuer à leur identification représente déjà un acquis et constitue l’ambition du présent article.

Les espaces sous-utilisés du paysage : de la notion de distance à celle d’« entre-deux »

François Béguin (1997), dans un article intitulé « Vagues, vides, verts » traitant des espaces délaissés du paysage moderne, posait la différence entre terrains vagues et vides en s’appuyant notamment sur les photos de la banlieue parisienne prises par Robert Doisneau entre 1932 et 1945 puis en 1985. À leur manière, ces photos racontent la transformation d’un paysage soumis à une paupérisation progressive. Sur les clichés des années 1930, on voit des espaces riches de terrains vagues, de lieux « incertains » et qui, par leur caractère indéfini, semblent à même d’accueillir une large palette d’activités, souvent ponctuelles. Puis, au seuil des années 1990, les espaces que donnent à voir ces images semblent beaucoup plus vides. Commentant ces transformations, Doisneau dira d’ailleurs que « La banlieue est maintenant un endroit fait pour obéir, et pas pour jouer. C’est devenu comme une glissière, un tuyau lisse : il faut que ça coule. Avant c’était plein d’écailles, on pouvait s’arrêter » (cité par F. Béguin, 1997 : 58).
Ainsi, les vides résulteraient de la défection de ces espaces et de leur perte de sens progressive alors que les terrains vagues seraient animés et mis en tension par la diversité de leurs utilisations possibles et leur imprévisibilité (Béguin, 1997). A partir des années 1990, le terrain vague est donc souvent vidé, par un processus de saturation continue du territoire qui lui dérobe sa vitalité, en tant qu’espace des possibles. A ce propos, Marc Augé nous rappelle que les espaces du vide sont étroitement mêlés à ceux du trop plein :
« Friches, terrains vagues zone apparemment sans affectation précise entourent la ville ou s’y infiltrent, dessinant en creux des zones d’incertitude qui laissent sans réponse la question de savoir où commence la ville et où elle s’achève » (2003 : 88-89).
Ces absences et discontinuités bâtissent alors une trame qui interrompt le continuum de l’espace et révèlent dans le paysage contemporain, en négatif, d’énormes quantités de terrains (abandonnés, marginalisés ou sous-exploités). Ces « espaces entre les choses », pour reprendre l’expression de B. Secchi (1993 : 6), ont ainsi perdu leur fonction initiale, ou ne l’ont jamais acquise, et restent comme « en attente » au terme de projets interrompus, de changements de politique, de doctrines ou d’erreurs et d’échecs architecturaux. Il s’agit d’espaces divers quant à leurs dimensions, leur position respective dans le paysage et leurs histoires, mais tous ont échappé à l’aménagement et ont soit été vidés de leur fonction initiale soit occupés par des fonctions inadéquates.
Les termes par lesquels le débat disciplinaire a signalé ces espaces résiduels sont multiples : non-lieux, terrains vagues, vides, drosscape, friches ou encore espaces délaissés. Il faut y ajouter l’idée d’espaces en « suspension » comme c’est le cas de la plaine d’Achères : ancienne zone d’épandage des eaux usées de la ville de Paris, zone de dépôt de gravats de démolition recouverts de terre, par moments transformée en aire de jeux (aéromodélisme, tir de feux d’artifice), terre agricole exploitée comme gravière ou terrain de dressage de chiens de garde, par exemple, nous y reviendrons.
Penser cet espace comme « entre-deux », c’est alors d’emblée lui reconnaître un caractère spécifique : celui d’un espace caractérisé par la condition d’être parmi des « choses » différentes. Ainsi énoncé, l’entre-deux serait alors, soit une absence, soit une pluralité fonctionnelle dont les habitants feraient une utilisation spontanée. En fait, il relève plus d’un renversement de paradigme, non pas tant parce que les distinctions entre les différentes entités constituant le territoire se brouillent, mais parce que la notion d’entre-deux met en lumière l’impossibilité de penser les phénomènes d’urbanisation comme la seule transformation d’un état premier, et par là même idéal. Le postulat sur lequel repose la conception d’un état premier est celui de la persistance d’une donnée originelle qui, se renforçant ou se délitant au cours des transformations, demeurerait. Notre postulat est différent : au lieu d’envisager deux états idéaux régnant d’un égal partage sur l’espace avec, d’un côté la campagne et, de l’autre, la cité qui n’aurait cessé de s’étendre, nous proposons d’approcher l’urbanisation, au fur et à mesure qu’elle conquiert de nouvelles terres, comme une remise en cause des états antérieurs. Chaque étape de l’urbanisation – qu’il s’agisse de démolitions, de percements, de densifications, de multiplications des réseaux, de réaffectations des dispositifs matériels – accentue en effet les mutations du territoire. Elles aboutissent alors à un état nouveau, des parties comme du tout. Cette hypothèse nous conduit à définir les entre-deux comme ces états, physiques, historiques, fonctionnels ou symboliques, qui constituent en réalité la nature même des espaces habités. On doit alors reconnaître, pour les comprendre et éventuellement agir, la dislocation urbaine, le rattrapage et ce que certains auteurs nomment « l’hybridité » des territoires contemporains.
Par ailleurs, un regard lucide sur ces discordances repose la question du « beau ». De ce point de vue, nous avons atteint un seuil comparable à celui franchi par l’aménagement du territoire au XVIIIe siècle, au moment où la ville s’est étendue au-delà de ses enceintes pour se fondre dans les faubourgs et les campagnes. L’abbé Laugier, théoricien français du rapport ville/campagne, proposa alors, afin de sublimer la conception traditionnelle du territoire fait d’entités clairement identifiées (villes, campagnes et châteaux), de penser l’ensemble du territoire et, par là-même la ville, comme un parc. Ce parc devait, en un fracas harmonieux, réunir le tissu médiéval, les tracés réguliers et les grands axes des compositions classiques, les faubourgs s’étendant le long des routes, les villages rattrapés par l’extension urbaine, les forts et les châteaux, les parcs, les campagnes, les forêts, les monts et les cours d’eau. Le paradigme de cette théorie est la ville ouverte sur le paysage dont Versailles et son château, le siècle précédent, inaugura le modèle (Castex, Céleste et Panerai, 1980). Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les conceptions de l’abbé Laugier, conscient du caractère relatif des prescriptions du beau, restent opérantes pour répondre aux défis de nos villes contemporaines. Elles reposent, en effet, sur la juxtaposition de différences, sur la distinction entre « beautés générales » et « beautés particulières » et sur, pour reprendre le thème générique de cet article, une série d’entre-deux.
Aux lendemains de l’échec de l’aménagement du territoire selon une conception expansionniste, dont la politique des villes nouvelles représenta le dernier avatar dans les années 1960, une révolution égale à celle à laquelle a dû faire face le XVIIIe siècle est aujourd’hui nécessaire. L’avenir des villes se joue sur ce qu’elles ont détruit, stérilisé, tenu pour des confins, des marges, des lieux sans valeurs sinon celle de contribuer à produire de la valeur dont ils ne sont pas les bénéficiaires. Or, ces lieux, plus ou moins laissés pour compte et stigmatisés représentent une surface importante qui permettrait de reconstruire la ville à partir d’elle-même. Mais s’il est aisé d’annoncer qu’il est urgent de cesser de penser l’avenir en termes d’extension des territoires à urbaniser pour commencer à le penser à partir de l’existant, du « déjà-là », il est en revanche beaucoup plus difficile de mettre en pratique cette nouvelle conception de l’aménagement du territoire. Quoiqu’il en soit, le nouveau territoire doit désormais pouvoir intégrer ces entre-deux, simultanés et successifs, qui forment aujourd’hui le cadre ordinaire de nos vies quotidiennes aux grandes infrastructures.

La plaine d’Achères : les multiples avatars d’un entre-deux

L’écrivain et journaliste Philippe Vasset écrit, en 2007, Un livre blanc dans lequel il explore les espaces de la Région parisienne signalés en blanc dans la cartographie officielle de l’Institut géographique national (Carte IGN n° 2314 OT). Si ces espaces apparaissent comme des trous bien nets dans les cartes, P. Vasset se demande ce qui se trouve réellement dans ces espaces théoriquement vides. Quels phénomènes recouvrent-ils pour être considérés comme trop vagues ou trop complexes par les cartographes pour être représentés ? L’auteur se rend alors sur le terrain et constate que « Blanches sur la carte ces zones sont en réalité multicolores » (2007 : 47). Il utilise la métaphore du blanc qui renferme toutes les couleurs pour mettre en évidence la nature différente de ces espaces indéfinis et l’état de suspension dans lequel ils se trouvent. Seul un regard décalé peut alors les soustraire à leur condition d’abandon ou de méconnaissance. Parmi les espaces blancs repérés par Vasset, on peut citer la Plaine de Saint Denis, Nanterre, le port de Gennevilliers, Le Bourget. Certains de ces lieux intéressent directement la politique de transformation de la Région parisienne mise en œuvre à partir de 2007 à travers Le Grand Pari(s) pour redistribuer les cartes en termes de solidarité et de durabilité environnementale entre Paris et ses banlieues et entre les banlieues elles-mêmes. Un peu à l’Ouest de ces espaces observés par Vasset, se trouvent plusieurs de ces zones blanches. Certaines ont une histoire longue et mouvementée qui explique pourquoi elles se colorent aujourd’hui d’ambitions institutionnelles de grande ampleur du Grand Paris.
On pense par exemple à la plaine d’Achères, située dans une des boucles de la Seine (figure 1), où Port de Paris projette le Port du Grand Paris qui devrait ouvrir la métropole sur l’Atlantique, par le Havre, et sur la mer du Nord par le nouvel axe commercial Seine-Nord Europe. Il faut toutefois noter que le souhait de construire un port industriel à Achères n’est pas nouveau puisqu’il est inscrit dans le Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) de 1999. Mais c’est la dimension (420 ha d’emprise au sol projeté) du projet actuel qui frappe, bien qu’il ait été revu par rapport à la proposition de 1000 ha faite par A. Grumbach en 2009 pour la consultation sur le Grand Paris.

Figure 1 : La boucle de la Seine dans la plaine d’Achères
Extrait de carte au 1/25 000e : IGN, 2008

Les entre-deux ou la relativité des points de vue

Avant d’aborder la question des entre-deux à partir des spécificités d’Achères, il est opportun, de prendre de la hauteur pour regarder la plaine et en comprendre la structure et le paysage. Depuis le point culminant de la Région parisienne qu’est le mont Hautil, on embrasse un vaste paysage de collines et de forêts dont les frondaisons cèdent progressivement la place à un tapis continu de constructions de tous ordres (Figure 2). Dominant la myriade de toits et de terrasses, quelques monuments sont parfaitement reconnaissables (le Sacré-Cœur et la Tour Eiffel) ; d’autres se dessinent moins nettement (la tour Montparnasse, celle de la Plaine Saint-Denis ou de la porte de Pantin). Le spectacle le plus impressionnant reste celui offert par le bouquet des tours de la Défense notamment parce qu’entre le premier plan et ces tours, la plaine d’Achères est complètement escamotée : on ne la voit plus. La forêt de Saint-Germain prend alors la forme d’un très vaste parterre sur lequel est posée cette floraison de béton, d’acier et de verre (Figure 3). Curieux effet de raccourcis, la forêt de Saint-Germain mêlant ses branches à d’autres bois dresse un écran masquant l’ensemble des méandres de la Seine et, comme aucune construction haute n’émerge de ce grand parterre, les 14 kilomètres séparant l’Hautil de la Défense, forment un tout.

Figure 2 : Vue depuis les coteaux du mont Hautil : 1 antenne relais 2, tour St-Denis 3, Sacré-Cœur
Dessin : P. Céleste, août 2011

Figure 3 : Vue de Chanteloup-les-Vignes, en regardant vers la Défense
Dessin : P. Céleste, août 2011

Figure 4 : La Seine entre la colline de l’Hautil et Paris
Schéma et notes : P. Céleste, août 2011

Ainsi, les seuls curseurs de la hauteur et de l’angle de vue de l’observateur infléchissent la compréhension du site, comme les sensations et sentiments qu’il suscite (Figure 4). L’application que nous avons faite pour expliquer les différentes échelles d’appartenance et des bassins de vie, lors de la consultation du Grand Pari(s), doit pour partie son origine à cette vision relative des territoires, prise entre une perception réduite à un lieu, à un ici, et une perception large d’une somme de lieux qui se fondent en un panorama qui peut les effacer.
La relativité des points de vue (selon la hauteur, l’angle de vues, mais aussi selon les moyens et les vitesses de déplacement) apparaît ainsi comme un premier trait caractérisant les entre-deux. Les entre-deux existent, disparaissent, masquent ou font apparaître leurs potentialités selon une relativité des perceptions et de plus ou moins grande immersion de l’observateur dans un site. En plaçant la relativité des points de vue avant les données inhérentes au sol, nous souhaitons insister sur le fait que les entre-deux sont à découvrir : il faut déceler où ils se trouvent, ce qu’ils sont et quel est leur potentiel.
Le second trait qui pourrait qualifier les entre-deux est inhérent à l’état morphologique des sites.
Ils sont pris par des forces naturelles mais également sociales, économiques et administratives : des pouvoirs qui, le plus souvent, les dépassent. De ce point de vue encore, la plaine d’Achères est un bon exemple. Longeant le cours de la Seine selon un large méandre, cet espace n’existe qu’entre deux états, celui des basses eaux et celui des crues (voire des inondations), et entre deux milieux avec, d’un côté, la colline de l’Hautil et les pentes abruptes d’Andrésy et, de l’autre, les terres hors inondation de la forêt de Saint-Germain en Laye. Sa nature même est plastique : la terre peut redevenir îles submergées et les îles peuvent être rattachées à la terre par les alluvions. C’est le cas de ces îles du second plan de la figure 6 : tantôt rattachées à l’une des communes de la rive gauche ou droite et tantôt rattachées à la terre ferme (la figure 6 situe le risque d’inondation de la plaine à la cote NGF 25,00).

Figure 5 : La confluence Seine et Oise avec en arrière plan, Andrésy et Chanteloup-les-Vignes
Dessin : P. Céleste, août 2011
Figure 6 : Risques d’inondation de la plaine d’Achères
Carte : P. Céleste et R. Sabatier, 1993, pour la SEM 98 et la commune d’Achères

Mais la plaine est également partagée entre différents types de sols : des terres fertiles et un substrat inculte fait de sable et de graviers alluvionnaires. Ces deux types de sol sont importants à noter puisqu’ils représentent des moments marquants de l’exploitation et du devenir de la plaine. Ainsi, une première « histoire » de la plaine est celle de sa vocation agricole, durant laquelle la mince couche de terre fertile en a assuré la richesse. Cette période connaît son apogée avec l’invention des tuyaux en béton, produits sur place par les établissements Bonna grâce à l’extraction des granulats de la plaine (Figure 7), qui permettront à Paris d’amener ses eaux sales jusqu’à Achères tout en fertilisant les sols agricoles de la banlieue. Assemblés en canalisations longues, ces tuyaux permettront, sous le baron Haussmann, d’assainir la capitale en épandant les eaux usées de Paris dans la plaine.

Figure 7 : Établissements Bonna et Le Foll, fabricants de canalisations en ciment
Dessins : P. Céleste, 1992

Un deuxième temps débute quand le taux de pollution des terres par les métaux lourds atteint un niveau tel, après un siècle d’épandage des eaux usées à Achères, qu’il devient illégal d’y cultiver pour la consommation humaine. Débute alors une phase d’exploitation des granulats d’autant plus intense qu’elle rapporte des taxes à la commune dépourvue d’autres revenus. Cette exploitation fait de la plaine une mine à ciel ouvert, percée de trous qui, emplis d’eau, dessinent autant de lacs et d’étangs mis à profit par les habitants (pour la pêche et la baignade). L’exploitation des granulats, dont Achères est la plus grande carrière à proximité de Paris, justifie aujourd’hui pour Ports de Paris le fait d’y implanter le futur Port Seine Métropole : l’exploitation des granulats, nécessaires pour les futurs chantiers métropolitains, va libérer d’importants espaces de stockage des déblais de chantiers. Le matériel extrait pour alimenter les chantiers pourrait ainsi être remplacé, dans le sol, par les déchets de ces mêmes chantiers. Le deuxième trait des entre-deux est ainsi être pris entre différentes temporalités, différentes économies qui, un temps, se chevauchent puis se distinguent (Figure 8).

Figure 8 : Vue depuis la digue d’Achères : au premier plan les anciennes terres agricoles, au second plan, les nouveaux quartiers d’Achères autour de la gare de RER, en arrière-plan, la forêt de Saint-Germain
Dessin : P. Céleste, août 2011

Le troisième trait caractérisant les entre-deux relève de la pluralité des pouvoirs.

La boucle de la Seine où se situe Achères est partagée entre différentes communes, chacune ayant une vocation particulière. Saint-Germain-en-Laye et Maisons-Laffitte auxquelles est rattachée la forêt de statut domanial, héritage des chasses aristocratiques et royales ; Poissy, une ancienne abbatiale, devenue ville industrielle vouée à la production automobile. Plus inattendu est le cas d’Andrésy qui, bien que situé rive droite, occupe également la rive gauche de la Seine du côté d’Achères en raison d’anciens droits de pâtures. Andrésy ne pouvant faire paître vaches et moutons sur ses coteaux alors voués à la vigne, elle s’est donc étendue sur l’autre rive de la Seine où elle occupe une langue de terre qui prive Achères d’une large partie de sa façade « naturelle » sur le fleuve. Ce partage du territoire de la plaine est symptomatique d’une division fonctionnelle des terres en raison de leur nature : la plaine, aux pâtures et à la culture ; les coteaux, à la vigne ; les terres à l’abri des inondations, aux habitations et au village ; le centre du méandre, à la forêt. C’est là une autre caractéristique des entre-deux ; ils ne s’appartiennent pas.
À cet égard, l’épisode de la Digue du Syndicat est tout a fait parlant (figure 9). En 1849, à l’initiative du maire, les cultivateurs d’Achères entreprennent de construire une digue de 6 km de long et de 5 mètres de hauteur, entre le pont de Conflans et le lieu où se trouvent aujourd’hui les usines Peugeot, qui doit protéger les terres arables régulièrement emportées lors des crues. Pourtant, en 1910, sur ordre de la capitale, la digue est dynamitée sur 50 mètres pour préserver Paris de l’inondation centennale.

Figure 9 : La Croix d’Achères (à gauche) inaugurant la digue du Syndicat (à droite)

Dessins : P. Céleste, 1999

Les Achérois se souviennent de ce dynamitage comme d’une agression du fort au détriment du faible : habitants d’une simple commune, grain d’un chapelet défendant son identité précaire, soumis au pouvoir de la capitale qui subjugue et, de l’autre. Ce phénomène de subordination de la plaine à des forces naturelles et administratives se poursuit à travers la procédure du Plan de Prévention des Risques d’Inondation (loi du 22 juillet 1987) qui limite, voire interdit, la constructibilité de la plaine. Rien ne doit, du moins en théorie, faire barrage à l’expansion et au libre retrait des eaux de crue, et tout remblai se doit d’être compensé par un délai pour que le volume capable des eaux pouvant envahir le cours majeur de la Seine reste constant. Si bien que la volonté de la commune de rendre constructible cette plaine, qui n’est plus agricole et qui, à terme, aura fini d’exploiter sables et graviers, butte sur ce principe de subordination à des lois naturelles mais également républicaines, ainsi qu’aux objectifs économiques et de développement dont le projet d’un grand port de grande ampleur est aujourd’hui le principal moteur.

D’où la proposition d’un quatrième trait caractérisant les entre-deux : les conflits entre le projet local et l’aménagement du territoire.
Ces sites à l’identité partagée prêtent plus que d’autres à ces contradictions. Privée de l’usage de sa plaine, la commune d’Achères n’a, par exemple, eu de cesse de vouloir faire valoir ses droits sur le devenir de son territoire. Travail de longue haleine de récupération des sols, rachat à la ville de Paris de ses terrains qui, avec ses usines de traitement des eaux et ses champs d’épandage, demeure le plus grand propriétaire foncier de la commune.
Aujourd’hui, le projet local de la ville est la reconquête de son sol et l’obtention d’une façade fluviale dont elle a été jusque là largement dépossédée par le rachat des terrains à la ville de Paris grâce aux bénéfices tirés de l’extraction des granulats fluviaux. Reste que la plaine dans son étendue représente un atout dont plusieurs souhaite bénéficier. EDF voulut y faire passer des lignes à haute tension ; la région, une voie à fort trafic et l’État y a l’ambition de rattacher Paris à la mer. Ce vaste port fluvial aurait une double vocation. Dans un premier temps, Achères et son port permettrait la distribution fluviale des sables et graviers de construction, assurant pour des décennies l’autonomie de la région parisienne en matériau de construction. Dans un deuxième temps, et à l’échelle du Nord de l’Europe cette fois, elle offrirait une vaste plateforme logistique reliée à tous les modes de transports où seraient apportés quantités de matériaux manufacturés ou en vrac. Cela dit, Paris, EDF ou l’Etat ne sont par les seuls à s’inviter à cette prise de possession du territoire. Le Paris-Saint-Germain Football Club, propriété qatarie, se propose d’y implanter son nouveau centre d’entraînement. Mais le PSG viendra-t-il ? On sait par expérience que de tels effets d’annonce prépare un terrain à l’urbanisation quitte à oublier, quand il se construit, ses premières justifications.
De son côté, la commune, avec sa station de RER « Achères-ville » – le nom joue ici un rôle essentiel – qui relie Cergy-Pontoise à Paris en passant par la Défense, tient à développer un nouveau quartier d’habitation comprenant équipements culturels et éducatifs nécessaires à son bon fonctionnement et au développement d’une nouvelle identité, plus urbaine et plus attractive. La conséquence de cette pluralité des enjeux est la fragmentation de la plaine qui, peu à peu, perd son intégrité physique, et peut-être sa cohérence territoriale, comme en témoigne les deux cartes ci-dessous (figures 10 et 11) qui montrent bien à quel point l’entité qu’elle formait dans les années 1930 a été fragmentée par ses aménagements successifs et constants.

Figure 10 : La plaine : une vaste étendue de pâtures et de cultures, d’un seul tenant
Carte : IGN, 1937

Figure 11 : Plan phasé de réalisation du port, de part et d’autre de la N184
Carte : Ports de Paris, 2013

Le cinquième trait que nous identifions pour qualifier les entre-deux est une conséquence des conflits et des divergences entre temporalités et projets : les entre-lieux sont propices à des cohabitations sans harmonie entre pratiques d’un même territoire et, par conséquent, à des représentations divergentes de ces territoires.
La prise de conscience de l’importance de ce trait permet alors de répondre à la double question suivante : comment se construisent et comment opèrent les dispositifs de la disqualification et de la requalification d’un site périurbain ? Les pratiques visées tiennent du pragmatisme et de l’opportunisme, de l’improvisation économique et, souvent, de l’univers des « loisirs » parfois à la limite de la légalité. Elles concernent des utilisateurs, locaux ou non, dont les présences ponctuelles et intermittentes répondent à des usages bien ciblés. Elles marquent alors le territoire physiquement et symboliquement (en le disqualifiant ou en le requalifiant). Mais comment appréhender ces mécanismes, par quelles postures et avec quels outils ? Enfin, comment les utiliser – c’est-à-dire comment les instrumentaliser, les détourner ou les neutraliser – pour les mettre au service du projet urbain ?
Dans le cas d’Achères, on assiste à une démultiplication surprenante d’usages sur un site pourtant hautement pollué : extraction des granulats par les carriers, dépôts et décharges de matériaux divers, centre équestre, centre d’entraînement et de concours cynologiques, école de conduite des deux et quatre roues (quads et autres), terrains et hangars pour l’aéromodélisme, pour le sport, sans oublier la pêche et la chasse sur fond de décharges de béton et de plaques d’enrobé.

Figures 12 et 13 : Chasseurs et jouets en bord de Seine

Cliché : P. Céleste, janvier 2013

Cliché : I. Delcea, novembre 2013

On y trouve également du maraîchage dans des jardins partagés et/ou ouvriers (figure 14), des rideaux d’arbres et des étendues de gazon. Toutes ces utilisations de l’espace et du sol côtoient l’habitat : des pavillons plus ou moins cossus le long de la digue de la Seine, des maisons pourvues de baux locatifs agricoles (qui ne correspondent plus à leur usage) et qui sont tout à fait hors nomes du point de vue sanitaire et électrique et des roulottes qui abritent une population de gens du voyage. Ainsi, tout cohabite : activités industrielles, déchets, loisirs et habitat (favorisé ou précaire). Des questions sur ces usages demeurent, quant à la manière dont ils apparaissent, trouvent leurs publics puis sont mis en récit et marquent les sites, pour faire de ces entre-deux, telle la plaine d’Achères, des espaces dont la disqualification démultiplie des usages.

Figure 14 : Jardins collectifs
Cliché: I. Delcea, novembre 2013

Un sixième trait de caractérisation des entre-deux et des entre-lieux a trait à la pluralité des points de vue : des entre-deux personne ne partage la même représentation.
Représentations et distances à la réalité telle que peuvent l’observer l’architecte et le géographe dans des entretiens réalisés avec des habitants de la commune en 2013 et mis en miroir dans les propos révélés par deux films réalisés en 2001 et 2011 pour « mesurer » l’opinion des habitants sur les politiques de la ville et ses grands projets urbains. Les films réalisés à l’occasion des Assises de la ville frappent d’abord par l’identification des habitants à la forêt plutôt qu’à la Seine et par l’absence totale dans les discours de la station d’épuration dont, plus encore à l’époque qu’aujourd’hui, la présence physique et olfactive est insistante. Ainsi les Achérois semblent se sentir appartenir plus à Saint-Germain-en-Laye qu’à leur propre commune. Dans les entretiens conduits cette année par nos soins, c’est l’idée de changement rapide de la commune qui revient le plus fréquemment, provoquant chez les Achérois une difficulté croissante à « s’y reconnaître » et à identifier les visées de la mairie dans la production constante de nouveaux logements et de refonte du centre historique de la ville.
Le rythme de développement très soutenu de la commune organise alors le repli des habitants sur leur logement et la désaffection du centre ville. Le logement devient la raison d’être de la présence sur Achères, renforcée par l’absence quasi totale d’espaces publics partagés, à vivre et pas seulement à traverser. Ce manque contribue à renforcer l’image d’une ville dortoir où le logement – qu’il s’agisse d’appartements ou de pavillons – surtout lorsqu’il est propriété privée, devient le « lieu » de vie et d’identification. Les entretiens mettent également en évidence comment Achères apparaît toujours comme une sorte d’« entre-deux » temporel. En effet, les interlocuteurs qui expriment, par exemple, un grand attachement à la ville, le font en relation à la mémoire de la ville – récits et descriptions de ce qu’était Achères d’avant – plutôt qu’à sa situation actuelle. Pour d’autres, récits et discours relèvent de la projection de ce qu’Achères pourrait devenir, en fonction de la réalisation ou non des projets du Grand Paris ou de la construction de nouveaux logements. Dans les deux cas, l’absence de descriptions du temps présent et de l’état actuel des lieux est marquante. Achères est prise entre souvenirs et projections, entre ce que la ville a été et ce qu’elle pourrait devenir faisant du présent un moment suspendu.
L’identification de ces six traits amène à se demander si un projet pour la plaine peut exister qui ne soit pas que réaction et conséquences de politiques et de conflits successifs. La réponse à cette question est en partie contenue dans les propos du directeur du projet Port Seine-Métropole, en cohérence avec ceux tenus par Michel Lussault à l’occasion de la première rencontre Confluence Seine-Oise. L’atonie économique que connaissent la France et bien d’autres pays invite à revoir à la baisse le projet ambitieux du port en le pensant en deux phases : une première phase pleinement inscrite dans la réalité actuelle d’exploitation et de transports des gravats fluviaux (pour une durée de plusieurs décennies) et une deuxième phase conditionnée par la réalisation du Canal Nord-Europe pour un développement beaucoup plus ambitieux et inscrit dans la durée. Le thème central – tel que l’a défini M. Lussault – serait alors la reconnaissance de l’urbanité faible de cette vaste plaine ouverte à des destinations de nature différente et le jeu avec son hétérogénéité. Les mots clefs d’un tel projet : pragmatisme, adaptabilité, réversibilité et sobriété. Autant de propositions pour lesquelles Achères ferait office de laboratoire.
Mais le port n’est pas toute la plaine et, peu à peu, d’autres aménagements s’en saisiront. Si la partie Est vers Maisons-Laffitte peut compter sur la permanence de sa destination de traitement des eaux, en revanche, toute la partie Ouest jouxtant Poissy sera partagée entre zones d’activités et de commerces, bases de loisirs en bord de Seine. La partie centrale, traversée par les voies ferroviaires et la route reliant Saint-Germain à Conflans-Sainte-Honorine, poursuivra sa nouvelle vocation de mine à ciel ouvert qui transforme ce paysage de plaine en un terrain parfois lunaire, en attendant les futures darses du port. Les marges prisent entre mines de gravats fluviaux et forêt, sous l’impulsion de la gare de RER, continueront de s’urbaniser et de recevoir des logements. Achères est, si ce n’est une ville dortoir telle qu’elle est souvent décrite par ses habitants, du moins une ville de logements pour une population dont le pôle d’emploi se situe à Cergy et Poissy via la Défense.

Conclusion
Pour conclure, on reprendra à nouveau à notre compte les propos de F. Béguin (1997) qui faisait le constat, dans « Vagues, vides, verts » que le glissement de terminologie pour qualifier les terrains vagues de vides permet aussi de fonder « le principe et la nécessité » d’une intervention. Mais force est de constater que la création d’un nouvel ordre paysager et utilitaire tend à supprimer certaines libertés d’usage qu’offraient les terrains vagues. Là encore, la plaine d’Achères et les multiples états d’entre-deux qui la caractérisent, illustre bien un processus de disqualification/requalification des fragments de territoire. À l’aune de cet exemple et de ceux étudiés dans le cadre de la consultation sur le Grand Paris, plusieurs étapes de ce processus sont observables. Une première étape est celle de perte progressive des usages initiaux des sites au profit d’autres usages plus flottants et éventuellement ponctuels. Une deuxième étape voit les sites être saturés par les terrains vagues. Dans un troisième, ce phénomène de trop-plein appelle un nouvel état et, à ces vagues saturés, on tente d’octroyer une identité nouvelle, plus homogène. Les activités annexes sont alors, autant que faire se peut, éliminées, afin de préparer l’ère des aménagements (qui à leur tour, produiront peut-être d’autres trop-pleins). Ainsi l’entre-deux se métamorphose et produit différents avatars.
Si l’étude d’Achères nous a permis d’en identifier les étapes, elle nous a également permis d’établir une grille de lecture de ce type d’espaces, incertains et particulièrement labiles, et de proposer, au terme de ce travail, une méthode d’analyse et une posture scientifique pour en traiter. Ainsi, nous proposons de définir l’entre-deux en quatre point / perspectives majeurs.
Premièrement, l’entre-deux peut être définit comme un lieu de pluralité et de relativité des points de vue. C’est aussi un lieu de représentations multiples, personne n’ayant une vue d’ensemble de ce qu’ils sont ou peuvent être. Il convient donc, au plan méthodologique, de multiplier les entretiens et les vues en s’adressant aux différents acteurs de la ville que sont les urbanistes et les employés municipaux, les représentants des associations (dans des espaces péri-urbains où le tissu associatif est particulièrement dense et varié) et les habitants : habitants ancrés de longue date ou plus récemment arrivés, issus de parcours individuels ou migratoires parfois surprenants, hommes et femmes qui appréhendent différemment leur lieu de vie – de la ville au logement – selon leur âge et la séquence de vie dans laquelle ils se trouvent. Au plan méthodologique, il convient donc à la fois de faire l’inventaire (jamais exhaustif) de ces points de vue et représentations et de multiplier les approches sensibles. Cette multiplication des approches permettant, dans une certaine mesure, de « faire sien » un site.
Deuxièmement, l’entre-deux, est la résultante de plusieurs états morphologiques qui dicte en grande partie l’histoire du site. Au point de vue méthodologique, il convient donc également d’opérer une lecture géographique et historique d’un site : de la « Grande Histoire » aux chroniques locales en passant par les cartes postales.
Troisièmement, l’entre-deux apparaît comme un lieu de conflits des pouvoirs, de partages non équitables, de fractures et de ségrégations latentes. C’est par conséquent également un lieu de négociations et de compromis entre le projet local et l’aménagement du territoire. Il convient donc de comprendre le jeu des acteurs et de les replacer dans une perspective historique et projectuelle. La question est alors de comprendre qui est à même de faire des projets sur et pour ces sites. Concevoir les entre-deux comme l’intersection d’enjeux multiples favoriserait alors les débats politiques et la réalisation de projets concertés.
Quatrièmement, l’entre-deux est un lieu de pratiques non programmées, parfois déviantes mais tolérées tant qu’elles restent discrètes. Il convient donc là aussi de les observer et d’en faire l’inventaire. Souvent temporaire, elles peuvent cependant être en partie reprises dans un projet global si celui-ci, par le biais de la concertation, est en mesure d’intégrer l’inventivité du « projet local ». À cet égard, il faut utiliser, et si possible inventer, différents moyens de connaissance d’un site et de ses acteurs, ainsi que différents moyens de communication. A priori, nuls ne sont à écarter : films, jeux de rôles, voire roman-photos qui mettent en scène les personnes concernées par le devenir de leur territoire. Le recours au dessin « traditionnel », et en particulier au croquis réalisé rapidement in situ, fait partie de ces moyens de connaissance et de communication. Cadrage, lieu et moment de réalisation sont autant d’éléments et de choix qui en font un outil efficace de lecture analytique de l’espace, comme en témoignent ceux réalisés depuis plusieurs années dans la plaine d’Achères.

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