Les fondements politiques de l’urbanisation anarchique à Mabanga (N’GAOUNDERE-CAMEROUN)

MAXIMILIEN PIERRE ESSE NDJENG

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MDans la ville de N’Gaoundéré située au Nord-Cameroun, la mauvaise urbanisation de la zone de Mabanga est remarquable. L’émergence de ce quartier spontané dans un site réservé pour cause d’utilité publique, éclaire davantage sur ce phénomène. Certes, l’urbanisation spontanée est une vieille thématique, mais par-delà les travaux publiés, on observe que l’occupation anarchique de ce quartier malgré l’opposition des pouvoirs publics, ouvre une piste intéressante de recherche. Comment les différentes forces politiques interfèrent-elles dans le processus de production urbaine à N’Gaoundéré ? Quels sont les éléments sur lesquels repose leur autorité dans cette zone ? Quels sont les enjeux au regard du bilan des rapports de force sur le terrain ?

Figure 1 : localisation de Mabanga dans N’Gaoundéré matérialisée par le réseau viaire principal

En Afrique, les recherches sur le lien entre l’urbanisation anarchique et le comportement des politiques sont peu courantes et incriminent les facteurs explicatifs tels :

– l’incohérence des décisions prises par l’administration en charge de ce domaine
– l’insuffisance des moyens divers déployés
– l’enracinement des coutumes au détriment des règles d’urbanisme etc.

Pourtant, ces facteurs n’expliquent pas l’émergence spontanée de Mabanga. Au début des années 1980 et bien avant son urbanisation, l’administration a réservé cette portion du domaine national et en a élaboré un plan d’urbanisme. Mais en 1985 soit un an après, des populations et nombre d’acteurs institutionnels s’y sont anarchiquement installés au mépris de la réglementation foncière, d’où le questionnement ci-après:

-Quels sont les véritables instigateurs de l’occupation de ce site ?
-De quoi y tiennent-ils leur autorité ?
-Quels sont les enjeux pour lesquels ce lieu est si stratégique ?

Au problème posé, la réponse anticipée suivante est proposée :

«Plus les acteurs à la quête du pouvoir politique dans le territoire urbain de N’Gaoundéré sont nombreux à intervenir dans cette zone, plus son urbanisation anarchique s’intensifie».

La vérification de l’hypothèse concerne les trois points suivants :
-La détermination des forces en présence
-Les facteurs sur lesquels repose leur autorité dans la zone
-Le bilan des rapports de force au regard des enjeux

La vérification de ces éléments se déroule en deux étapes : la collecte des données et leur traitement en laboratoire. La collecte des données consista à administrer un questionnaire auprès de 173 ménages soit 1/6 des unités de la zone et à investiguer auprès des institutions concernées (administration, chefferie, partis politiques, groupes religieux etc.). Le travail en laboratoire permit de dépouiller les données et d’opérer des classifications statistiques descriptives.

Les résultats obtenus lors de la vérification de l’hypothèse sont les suivants :

S’agissant des forces politiques en présence et de leur implication dans le site urbanisé de Mabanga, elles se distinguent et se comportent selon le schéma ci-après.

Figure 2 : les formes de participation des divers acteurs à l’urbanisation de Mabanga

On retient que l’administration publique est l’acteur institutionnel premier dans l’urbanisation de ce secteur. La population l’est aussi parmi les intervenants de la société civile. On distingue des acteurs qui y participent directement (acteurs actifs), et indirectement (acteurs passifs).

Parlant des facteurs et des mécanismes par lesquels ces acteurs tiennent et exercent leur autorité dans la zone, le schéma ci-après affiche une étroite relation entre la superficie globale des parcelles et l’importance des investissements. Donc, la population civile, l’administration et les organisations religieuses y sont par ordre décroissant, les acteurs les plus influents.

Figure 3 : acquisition de l’autorité et du pouvoir par les acteurs politiques pendant l’urbanisation de Mabanga

Concernant les enjeux et les rapports de force, le schéma ci-après résume les relations entre les acteurs et les types d’enjeux. On voit que la disponibilité du sol, la constructibilité et la superficie du site attirent tous les acteurs.

Figure 4 : des champs d’intérêts pour les acteurs présents à Mabanga 

En somme, le phénomène de la «politisation urbaine» dont cette thèse ressort les tares pour la planification des villes, renforce la maîtrise des mécanismes politiques qui concourent à la production urbaine spontanée. Cette thèse questionne aussi le fonctionnement des villes précoloniales peuhles au Cameroun.


Fiche informative

Discipline

Géographie politique

Directeur

Jean Louis DONGMO, Professeur émérite de géographie

Université

Université de N’Gaoundéré au Cameroun

Membres du jury de thèse, soutenue le 30 avril 2012

– Tsalefac Maurice, Professeur à l’Université de Dschang
– Bopda Athanase, Professeur à l’Université du Havre
– Tchotsoua Michel, Professeur à l’Université de N’Gaoundéré
– Lieugomg Médard, Maitre de conférences à l’Université de Yaoundé I
– Ndame Joseph, Maitre de conférences à l’Université de N’Gaoundéré

Situation professionnelle actuelle

Chercheur géographe à l’Institut National de Cartographie (INC) du Cameroun

Contact de l’auteur

esemaxime@yahoo.fr