Les stratégies d’adaptation à la congestion automobile dans les grandes métropoles : Analyse à partir des cas de Paris, São Paulo et Mumbai

GAËLE LESTEVEN

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Ce travail doctoral traite de la congestion, un sujet classique qui existe depuis le début de l’automobile. L’originalité de ce travail vient d’une approche de géographe-aménageur qui se détache de celle, traditionnelle, des ingénieurs du trafic et des économistes des transports.

Son objectif est d’analyser le rôle de la congestion automobile dans la vie quotidienne des ménages motorisés des grandes métropoles. La congestion est-elle plus intense dans les grandes métropoles des pays émergents que dans celles des pays développés ? La situation dans ces grandes métropoles préfigure-t-elle l’avenir de l’Île-de-France, compte tenu d’une offre viaire qui se stabilise et d’une multiplication des déplacements automobiles de banlieue à banlieue ?

Nous partons de la définition de la congestion automobile comme perturbation interne du système automobile. L’accroissement du nombre d’automobilistes dans le système automobile, assimilable à un club, provoque des effets d’interaction positifs, bénéfiques pour tous les membres du club. Mais cette multiplication d’automobilistes provoque également des effets négatifs. Ces effets sont externes au système, comme la pollution, la consommation de ressources fossiles, d’espace. Ou ils sont internes au système. Il s’agit de la congestion, qui résulte d’un déséquilibre, à un moment donné en un point donné, entre la demande automobile et l’offre viaire. Par ses manifestations, en particulier en allongeant les temps de parcours ou en augmentant leur variabilité, la congestion perturbe le fonctionnement du système automobile. Plus l’écart est important entre la demande et l’offre, plus le degré de perturbation dû à la congestion est élevé.

La démarche méthodologique de la thèse s’appuie sur l’analyse systémique et la comparaison spatiale. Le but de l’analyse systémique est d’examiner les stratégies d’adaptation à la congestion à travers les trois niveaux d’acteurs composant le système automobile : les pouvoirs publics, les acteurs collectifs intermédiaires (entreprises, associations, communautés…) et les ménages motorisés. Le but de la comparaison spatiale est d’étudier la congestion dans trois métropoles représentatives de trois stades de développement du système automobile : l’Île-de-France, la région métropolitaine de São Paulo au Brésil et celle de Mumbai en Inde.

Quatre hypothèses principales structurent ce travail :
– La congestion s’atténuerait avec le développement du système automobile (l’écart entre la demande et l’offre tendrait à se résorber).
– L’atténuation de la congestion ne serait pas à tenir comme acquise. Pour des raisons diverses, économiques, politiques ou idéologiques, la congestion pourrait reprendre.
– La congestion affecterait la mobilité des ménages motorisés métropolitains, et même, pour certains d’entre eux, leur qualité de vie.
– La congestion ne menacerait pas à terme le système automobile car les stratégies d’adaptation à la congestion assureraient la permanence du système automobile.

Afin de répondre aux deux premières hypothèses, nous avons réalisé un diagnostic des manifestations sociales, spatiales et temporelles de la congestion dans les trois terrains. Nous avons eu recours aux enquêtes de déplacements des ménages et aux données de trafic.
Pour répondre aux deux dernières, nous avons analysé les stratégies d’adaptation à la congestion mises en place par les différents acteurs. Pour cela, nous avons mené une évaluation de la politique de transport de ces régions. Nous avons enquêté sur les stratégies des entreprises et des associations. Enfin, nous avons réalisé une enquête interactive de réponses déclarées auprès de ménages motorisés dans les trois terrains. Ce jeu de simulation à partir de carnets de bord a été complété par un questionnaire en ligne auprès d’un millier d’actifs franciliens.

Les principaux résultats de la thèse sont les suivants. La congestion automobile n’apparaît pas comme un problème d’ordre général et elle est d’autant moins un problème que le système automobile continue à se développer. Mais elle demeure un problème particulier pour certaines personnes, sur certains territoires. Ces personnes, ces territoires concernés par la congestion évoluent dans le temps en fonction de l’organisation métropolitaine et du développement du système automobile.
Ainsi, le développement du système automobile n’entraînerait non pas tant une atténuation de la congestion (par résorption de l’écart entre demande automobile et offre viaire) qu’une dilution de la congestion dans l’espace (vers les périphéries métropolitaines) et dans la société (vers des classes plus modestes). Par ailleurs, il est probable, qu’au vu des processus en cours en Île-de-France, la congestion reprenne d’ici 2020-2030. Néanmoins, les manifestations spatiales et sociales de la congestion ne seront pas les mêmes que celles qui caractérisent actuellement les régions de Mumbai et de São Paulo.
En situation de congestion, la majorité des ménages motorisés réussit à préserver son mode de vie. Les ménages ont, à leur disposition, une liste de quinze stratégies d’adaptation qui se retrouve dans les trois terrains, malgré les contrastes culturels. Ces stratégies sont hiérarchisées en fonction de leur fréquence, laquelle dépend du niveau d’effort de changement demandé. Viennent d’abord des stratégies d’ajustement marginal qui modifient le moins possible le programme d’activités puis des stratégies d’altération.
Les ménages ont conscience que les effets de la congestion sur le système automobile restent mineurs par rapport aux effets de dépendance. Ils continuent d’utiliser la voiture, même quand les degrés de congestion sont élevés. Ils préservent ainsi leurs programmes d’activités, grâce à quelques ajustements marginaux (téléphoner, modifier l’heure de départ, changer d’itinéraire, etc.), jusqu’à ce qu’ils atteignent leur seuil de tolérance et commencent à modifier leur comportement.
Finalement, dans aucun des terrains étudiés, le système automobile n’apparaît paralysé à cause de degrés trop élevés de congestion. Plus le système automobile se développe, plus l’automobiliste bénéficie des avantages du système. Donc, pour l’instant du moins, la permanence du système automobile semble assurée


Fiche informative

Discipline

Géographie; Aménagement de l’espace et urbanisme

Directeurs

Gabriel DUPUY

Universités

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Centre de recherche sur les Réseaux, l’Industrie et l’Aménagement (CRIA) / UMR 8405 Géographie-Cités

Membres du jury de thèse, soutenue le 03 avril 2012

– Francis BEAUCIRE, Professeur, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
– Gabriel DUPUY, Professeur émérite, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur de thèse
– Bruno FAIVRE d’ARCIER, Professeur, Université Lumière Lyon 2, rapporteur
– Jean GRÉBERT, Expert « Systèmes de transport et Mobilité », Renault
– Jean-Pierre ORFEUIL, Professeur, Université Paris Est Créteil, rapporteur
– Marie-Caroline SAGLIO-YATZIMIRSKY, Professeur, INALCO.

Situation professionnelle actuelle

Auto-entrepreneur

Contact de l’auteur

Gaele.lesteven@yahoo.fr