Les sociétés ultramarines face aux risques de montée du niveau marin.

Quelles stratégies d’adaptation ?
Exemples des iles de Wallis et Futuna, Mayotte et Lifou.

Sophie Bantos

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L’adaptation à la montée du niveau marin sur les espaces côtiers est une thématique actuelle majeure sur le plan international. Elle concerne l’ensemble des littoraux de la planète. La France est fortement concernée par ses façades maritimes métropolitaines, mais plus encore par ses territoires ultra-marins insulaires répartis dans tous les océans. La gestion actuelle et future de l’environnement de ces espaces ultra-marins implique la prise en compte des variations à la hausse du niveau marin, notamment du point de vue des représentations que s’en font les personnes qui y vivent. En effet, gérer l’environnement et les risques, c’est aussi gérer des représentations.

L’objectif de cette thèse consiste à déterminer la façon dont les sociétés perçoivent les risques liés à la montée des eaux afin que la gestion du littoral intégrant ces risques soit la plus adaptée possible et que puissent être proposées des stratégies d’adaptation optimale face à cette montée des eaux. Dans ce contexte, la question de l’adaptation à la montée du niveau marin sur les petites îles est abordée sous l’angle de la géographie de l’environnement, démarche équilibrée entre géographie physique et humaine, n’excluant pas la prise en compte d’autres disciplines, telles la géologie, les statistiques appliquées, l’infographie et la sociologie. L’ouverture à des disciplines voisines et complémentaires de la géographie est souhaitable pour enrichir l’analyse du phénomène et la rendre ainsi pertinente et complète.

La démonstration de la thèse commence par une première partie qui traite du contexte thématique, institutionnel et méthodologique de la montée des eaux (chapitre 1), accompagnée d’explications scientifiques sur l’objet d’étude (la montée des eaux) et sur la façon dont cette montée des eaux est susceptible d’aggraver la vulnérabilité existante des paysages littoraux insulaires (chapitre 2).

La seconde partie s’intéresse particulièrement aux aspects sociétaux et territoriaux de l’adaptation. Les acteurs locaux de l’adaptation sont partagés entre leurs traditions ancestrales et la modernité issue de la présence française. Cette dualité a un impact sur la perception de leur espace de vie, leur organisation spatiale et sociétale et leur système foncier (chapitre 3). Dans quelle mesure leurs perceptions des risques dépendent-elles des contextes culturels en présence ? De quelle façon intégrer cette variable culturelle dans la détermination du potentiel d’adaptation de chaque île ? (chapitre 4) Cette partie repose sur l’outil méthodologique enquêtes statistiques. Un échantillonnage de 1646 individus a été interrogé entre les mois de mars 2007 et août 2008, au cours de plusieurs missions de terrain.

La troisième partie s’interroge sur la meilleure façon de préparer l’adaptation à la montée des eaux. Quelles stratégies promouvoir? Faire face en érigeant des défenses ? Prévenir en informant et en sensibilisant les populations ou en les incitant à s’éloigner du bord de mer ? Positiver cette montée des eaux et en profiter pour développer certains secteurs d’activité ? (chapitre 5) Un SIE (Système d’Information Environnemental) a été développé à Wallis & Futuna pour synthétiser de façon optimale la masse de données recueillies sous la forme de couches de données lisibles sur un support cartographique numérique. Enfin, un bilan du potentiel d’adaptation de chaque île est proposé (points positifs et négatifs) et élargi à l’outre-mer français. Quels transferts d’expériences possibles inter-îles dans l’outre-mer français (chapitre 6)?
Pourquoi appliquer la problématique de l’adaptation aux risques liés à la montée du niveau marin aux petites îles ?
Dans l’unité apparente de la France d’outre-mer (principalement du fait de l’appartenance de ces espaces à la France et de leur nature d’île), il existe une forte variabilité qui repose essentiellement sur des contextes culturels différents (créole pour les Antilles et La Réunion, polynésien pour la Polynésie Française et Wallis & Futuna, mélanésien pour la Nouvelle Calédonie et les îles Loyauté, malgache-swahili pour Mayotte) et sur des statuts bien distincts (DROM pour les Antilles, La Réunion et très prochainement à Mayotte – actuel COM -, COM à Wallis & Futuna et POM en Polynésie Française et en Nouvelle Calédonie).

Dans le cadre de ce travail, il a été décidé d’axer la thématique de l’adaptation aux risques liés à la montée du niveau marin sur les îles les plus isolées de l’outre-mer français, interzones géographiques, en quelque sorte « à la périphérie de la périphérie », dont les sociétés sont encore très traditionnelles et partagées entre cette tradition et la modernité représentée par l’Etat français. Mayotte, Wallis & Futuna et Lifou (l’une des îles Loyauté au large de la Nouvelle Calédonie) ont été, jusqu’à présent, assez peu étudiées alors qu’elles constituent des espaces vulnérables à la montée du niveau marin, du fait de leurs caractéristiques physiques, des aléas climatiques et sismiques et surtout de leur isolement. Elles ont fait l’objet de missions de terrain qui se sont étalées des mois de mars 2007 à juillet 2008. La comparaison de ces espaces insulaires n’est pertinente que si elle s’effectue aussi sur la base des différences entre les terrains telles que le contexte culturel dans lequel ils s’inscrivent et qui est susceptible de conférer à ses habitants des perceptions et des représentations des risques de montée des eaux propres.
En résumé, ce travail de thèse a tenté de démontrer que la montée des eaux, qui semble inéluctable à moyen terme, et les risques hydro-climatiques et sismiques (tsunamis) actuels impliquent que les sociétés devront, dans un futur plus ou moins proche, ajuster leur vision des modes d’occupation de l’espace et tout particulièrement celle du domaine littoral sur lequel vit l’essentiel des populations des îles étudiées. Le croisement des différentes approches disciplinaires abordées dans le mémoire a permis de proposer des méthodes et des outils novateurs en vue d’une optimisation des stratégies d’adaptation à la montée des eaux.


Fiche informative

Discipline

Géographie

Directeur

Christian Huetz de Lemps/p>

Université

Université Paris 4-Sorbonne et Université de la Nouvelle Calédonie

Membres du jury de thèse, soutenue le 17 janvier 2011

– Professeur Franck Dolique
– Professeur Richard Laganier
– Maître de conférences-HDR Michel Allenbach
– Professeur Jean-Paul Amat

Situation professionnelle actuelle

Chef de projet sur le labex Dynamite à Paris 1

Contact de l’auteur

sbantos@uni-paris1.fr