Politiques de l’habitat, gouvernance urbaine et justice sociale le cas de l’équateur
Aurélie Quentin
L’objectif de cette thèse est d’analyser le déploiement et l’application concrète de la doctrine de la « bonne gouvernance » en Equateur à travers l’étude de l’action publique sur l’habitat urbain menée tant à l’échelle nationale que municipale depuis le milieu des années 1990.
Au niveau mondial, le discours sur la « bonne gouvernance » est adopté et promu depuis le milieu des années 1990 par l’ensemble des grands organismes internationaux comme la solution aux problèmes politiques, économiques et sociaux des pays en développement. Sa particularité est d’énoncer un ensemble de principes de gestion des affaires publiques permettant d’atteindre le développement, applicables de la même manière en tout point de la planète. Ces principes se divisent en trois axes majeurs, véritables mots d’ordres pour la mise en place de programmes de développement : la privatisation, plus communément présentée comme une redistribution des rôles entre secteur public et secteur privé ; la décentralisation qui consiste a restructurer l’administration publique pour améliorer l’efficacité de ses interventions et faciliter la redistribution des rôles mentionnée précédemment ; la participation qui fait référence, d’une part, à l’intervention des Ong dans les programmes sociaux et, d’autre part, à la participation dite « populaire » – c’est à dire la participation des bénéficiaires des programmes mis en place à l’exécution de ceux-ci – que les Ong ont souvent pour rôle d’organiser. Ces intervenants – Ong et bénéficiaires – sont regroupés par les bailleurs sous le terme « société civile ».
En matière de développement urbain, la « bonne gouvernance » représente un approfondissement de la politique de l’Etat « facilitateur » présentée et promue à partir des années 1990, et notamment à partir de la conférence Habitat II organisée par les Nations Unies à Istanbul en 1996 pour célébrer le vingtième anniversaire de la prise de conscience de l’importance du problème des « établissements humains » à l’échelle mondiale, prise de conscience matérialisée par une première conférence Habitat qui s’était déroulée à Vancouver en 1976. Cette approche vise à remettre la production d’habitat populaire entre les mains du secteur privé, le rôle de l’Etat consistant à « faciliter » l’intervention de ce dernier à travers la définition d’un cadre légal et fiscal approprié et incitatif. Cette privatisation de l’action publique sur le logement est censée représenter une rupture radicale avec le schéma d’action précédent, reposant depuis les années 1960 sur le concept d’Etat « constructeur » décrivant l’intervention directe de celui-ci dans la production de logements pour les plus pauvres dans un contexte de croissance urbaine accélérée.
L’hypothèse de départ est que le discours sur la « bonne gouvernance » et les formes d’action publique qui en découlent, loin de représenter une rupture à travers un nouveau paradigme d’intervention en matière de développement urbain comme l’avancent ses principaux promoteurs, correspondent en réalité au maintien non seulement des objectifs poursuivis par les programmes promus depuis les années 1960 mais aussi des effets de ceux-ci sur le problème de l’habitat en Equateur. Suivant cette hypothèse, cette étude s’intéresse au cas équatorien selon une approche « institutionnelle » pour comprendre comment un discours globalisant, imposé depuis les organes de financement internationaux, est adopté par des institutions publiques nationales et transformé en mesures concrètes, elles-mêmes appliquées par différents types d’acteurs pour finalement toucher une partie de la population urbaine. Cette démarche comprend l’étude des résultats quantitatifs et qualitatifs de l’action publique d’une part et des processus de prise de décision, d’appropriation et de transformation des principes d’origine par l’ensemble des acteurs impliqués aux différentes échelles d’intervention d’autre part.
Cette thèse se divise en quatre parties : la première dresse un état des lieux du problème du logement en Equateur et plus spécifiquement à Quito, la capitale du pays, et retrace l’historique de l’action publique sur le logement entre les années 1960 et 1990. La deuxième partie rend compte de l’intégration locale du discours sur la « bonne gouvernance » à travers la conception et la mise en œuvre du programme national de subvention au logement dans un contexte économique et politique instable. La troisième partie vise à analyser les rôles des acteurs publics, privés et associatifs impliqués dans ce programme, tandis que la quatrième s’intéresse aux programmes de développement urbain mis en place par la municipalité de Quito pour mettre en évidence les apports et les écueils d’un changement d’échelle dans l’application du discours. Ce plan à la fois chronologique et par échelles à pour but de répondre à la question suivante : au-delà de la vision néolibérale imposée dans les programmes financés par l’aide internationale, les principes de privatisation, de décentralisation et de participation peuvent-ils, à travers l’appropriation qui en est faite par les acteurs locaux – qu’ils soient publics (nationaux ou municipaux), privés ou membres de la « société civile » – apporter des réponses novatrices, efficaces et « justes » aux problèmes d’habitat et de développement urbain ?
Fiche informative
Discipline
Géographie
Directeur
Alain Musset
Université
EHESS
Membres du jury de thèse, soutenue le 24 juin 2009
– Philippe Gervais-Lambony, professeur des universités, Paris Ouest Nanterre La Défense
– Alain Musset, directeur d’études, EHESS
– Marie-France Prévôt-Schapira, professeur des universités, Paris VIII – Vincennes-Saint-Denis
– Hélène Rivière D’Arc, directrice de recherches, CNRS
Situation professionnelle actuelle
– Post-doc Gecko – ANR JUGURTA
Contact de l’auteur
o.rel@free.fr