« Migrations d’agrément » et nouveaux habitants dans les moyennes montagnes françaises : de la recomposition sociale au développement territorial
L’exemple du Diois, du Morvan et du Séronais
Françoise Cognard
Cette thèse de géographie s’attache à mieux comprendre les phénomènes migratoires contemporains affectant les espaces ruraux des moyennes montagnes françaises, en particulier au travers des exemples du Diois (Drôme), du Morvan (Nièvre) et du Séronais (Ariège), en mobilisant le concept nord américain d’« amenity migration » ou « migration d’agrément », comme clé de lecture des processus en cours. Cette question trouve un écho particulier dans les régions de moyenne montagne française en raison d’enjeux exacerbés faisant apparaître celles-ci comme des espaces laboratoires au double titre de leur fragilité relative (démographique, économique et sociale) et de l’importance des espoirs placés aujourd’hui dans les politiques d’accueil de nouvelles populations. Ces nouveaux migrants sont ils de potentiels leviers pour le développement territorial, « exploitables » par ces espaces ruraux fragiles organisés en « territoires d’accueil » dans le cadre de la mise en place de politiques spécifiques ?
La bibliographie géographique française présente des lacunes sur le phénomène de « renaissance rurale ». Elles sont liées tout à la fois à des a priori longtemps centrés sur la persistance de l’exode et aux difficultés d’appréhension de la mobilité. L’étude de ces dynamiques démographiques est en effet rendue complexe par l’insuffisance des outils statistiques, qui se révèlent de plus peu adaptés aux problématiques de mobilités actuelles. Si le rôle déterminant de l’inversion des mouvements migratoires dans ce processus de renouveau démographique des campagnes n’est pas contesté, il en existe encore des interprétations divergentes. Il est vrai que les théories classiques d’analyse des migrations, basées sur le postulat de comportements économiques rationnels, démontrent vite leurs limites dans l’explication de ces mouvements de population vers les espaces ruraux isolés. Ces nouveaux habitants se dirigent vers des régions souvent mal pourvues en emplois et leur migration s’accompagne par ailleurs fréquemment d’une baisse de revenus. Leurs stratégies migratoires semblent ainsi davantage fondées sur des aspects qualitatifs et sur une préférence résidentielle que sur des critères strictement économiques. Les chercheurs nord américains ont quant à eux donné un nom spécifique à ce type de mobilité : « amenity migration », littéralement « migration liée aux aménités » ou « migrations d’agrément ».
Reposant sur une approche systémique, le paradigme d’« amenity migration », développé en particulier par L.A.G. Moss, permet de prendre en compte à la fois l’influence du contexte global des sociétés post-industrielles et les stratégies résidentielles des migrants et donc la dimension dialectique des migrations. Celles ci sont en effet porteuses de choix individuels et d’un contexte social singulier et se situent à la croisée de ces deux logiques et de ces deux échelles en constante interaction. Cette notion se révèle donc bien adaptée à la méthodologie de recherche que nous avons souhaité favoriser, à savoir une démarche compréhensive centrée sur les acteurs et leurs stratégies résidentielles. Ce paradigme souligne tout d’abord que le développement de ces flux migratoires particuliers résulte de facteurs facilitants (« facilitators ») du contexte économique, technique et sociétal (mobilité favorisée par l’accroissement du temps libre, l’aisance matérielle et l’amélioration des moyens de communication, des transports comme des nouvelles technologies, désormais plus accessibles et meilleur marché). Mais il est également suscité par des aspirations individuelles croissantes pour ce type de choix de vie (« motivators »), caractéristiques des sociétés post modernes (dégradation des conditions de vie en ville, valorisation accrue de l’environnement naturel, de la culture, des loisirs, du bien être, dans une logique hédonique). Ce modèle renouvelle ainsi les critères d’évaluation des territoires en valorisant fortement leurs aménités résidentielles.
La première partie de ce travail (chapitre I, II et III) constitue une présentation générale du mécanisme de « renaissance rurale » et du développement des « migrations résidentielles » dans les régions de moyenne montagne française. Elle replace ainsi les moyennes montagnes dans le contexte national de « renaissance rurale » et prend la mesure du renouvellement démographique à partir d’un certain nombre d’éléments statistiques et cartographiques en analysant la répartition spatiale du phénomène et ses inégalités. Ce sont ensuite les caractéristiques générales des nouveaux habitants venant s’implanter dans les territoires ruraux de moyenne montagne qui sont évoquées, afin de mieux connaître leur profil, mais aussi leurs motivations. La seconde partie (chapitre IV à VII) est consacrée à une analyse qualitative des acteurs de ces migrations (migrants actifs, retraités, en situation de fragilité sociale et nord européens), de leurs motivations et de leurs critères d’installation en moyenne montagne, notamment grâce à une approche biographique. La troisième partie (chapitre VIII à IX) se situe davantage dans l’optique des territoires. Elle s’attarde sur les recompositions socio spatiales liées à ces arrivées, à la fois dans une perspective de développement, mais aussi en tentant de prendre en compte les éléments de tension et de fragilisation potentielles pour les sociétés locales. Enfin, elle examine la prise en compte de ces nouveaux enjeux, notamment en termes d’attractivité territoriale, par les politiques d’accueil en milieu rural.
Fiche informative
Discipline
Géographie
Directeur
Jean-Paul Diry
Université
Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II
Membres du jury de thèse, soutenue le 2 février 2010
– Jean-Paul Diry, Université Blaise Pascal, Directeur de thèse
– Catherine Bonvalet, Directrice de recherche, INED
– Philippe Bourdeau, Professeur, Université Joseph Fourier, Grenoble
– Olivier Deslondes, Professeur, Université Lyon II
– Laurent Rieutort, Professeur, Université Blaise Pascal
– Robert Savy, ancien Président du Conseil régional du Limousin
Situation professionnelle actuelle
PRAG à l’université Blaise Pascal Clermont-Ferrand
Contact de l’auteur
fcognard@free.fr