REPRESENTATIONS DES AMBIANCES SONORES DE TROIS COLLEGES DU VAL D’OISE : Analyse des cartes mentales sonores réalisées par les élèves

CATHERINE LAVANDIER

IUT de Cergy Pontoise
Laboratoire MRTE
Acoustique
Catherine.Lavandier@u-cergy.fr

 

MANON RAIMBAULT

Gamba Acoustique
Acoustique
manon.raimbault@acoustique-gamba.fr

 

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RÉSUMÉ

Dans le cadre d’une recherche opérationnelle sur la qualité acoustique des établissements scolaires, il a été demandé aux enfants de trois collèges de représenter par un ou plusieurs dessins les ambiances sonores qui caractérisent leurs collèges. Une analyse sémiotique a permis de classer les dessins en quatre groupes de représentations: (1) des objets décontextualisés, (2) des situations sonores représentant des objets dans leur contexte, c’est-à-dire impliquant activités, moments et lieux, (3) des représentations cartographiques et (4) des représentations du phénomène sonore lui-même (traits, points, etc.). Les résultats de cette recherche ont montré que le processus de conception architecturale devait dans un premier temps regarder le bâtiment à un niveau fonctionnel ou organisationnel, puis s’attacher à traiter les problèmes acoustiques ponctuels.

ABSTRACT

The present study is devoted to the analysis of acoustic quality of educational buildings. Three secondary schools were studied: children were asked to draw and write how they perceived and evaluated the acoustic environment of their school. A semiotic analysis of graphics made it possible to identify sounds as cognitive representations: they are represented by: (1) sources out of context, (2) sources as elements of a “context”, involving activities, time and locations, (3) cartographic representations and (4) sonic phenomenon as such, represented with dots, lines, and so on. This operational research on the design process leads to the conclusion that this process for educational buildings can be treated at different levels: a functional and an organizational level on the one hand and an acoustic level on the other.

INTRODUCTION

En 2002, le PUCA a lancé un appel à projet intitulé « Construire avec les sons », dont le but était de réfléchir au confort sonore de l’usager dans l’habitat, dans les lieux publics, ou encore dans l’espace public. Dans l’acte de création architecturale, dans l’acte urbain de composition de l’espace public, l’approche habituelle est plutôt basée sur le visuel, alors que l’espace sonore est une dimension importante dans la manière d’appréhender un espace (Augoyard, 1991). C’est dans ce cadre de recherche opérationnelle que des travaux sur la qualité des ambiances sonores dans les collèges ont été réalisés. Les collèges sont des constructions publiques qui, par leur fonction, leur rôle dans une commune et leur impact architectural peuvent montrer l’exemple en intégrant de nouveaux concepts de confort. De plus, les établissements d’enseignement sont des exemples de bâtiments publics où le confort sonore a des conséquences fortes sur leur qualité d’usage (Le Goff, 1994). Or, dans la programmation architecturale de telles constructions, les maîtres d’ouvrages cherchent plutôt à satisfaire les besoins des enseignants et des éducateurs et s’intéressent secondairement au confort des enfants. Cette recherche vise donc à permettre à la maîtrise d’ouvrage d’établissements d’enseignements et à leurs concepteurs une meilleure évaluation des ambiances sonores en fonction des usages scolaires, en respectant non seulement les besoins des adultes, mais aussi ceux des enfants eux-mêmes. Mais comment les enfants appréhendent-ils la dimension sonore dans leur rapport à l’espace ?

La demande sociale de plus en plus exigeante sur la qualité sonore des espaces construits, incite les chercheurs à poursuivre leurs études sur la perception des phénomènes sonores et leurs effets sur les individus. La diversité des jugements humains relatifs à un même phénomène sonore met en avant la nécessité d’étudier la perception des sons selon leurs contextes de production. Comment un individu interprète-t-il les stimulations sonores qui l’entourent et quelles significations leur donne-t-il ? De nombreuses études ont déjà été menées sur les ambiances sonores. En France en particuliers, les travaux effectués au CRESSON (Augoyard, Torgue, 1995 ; Thibaud et al., 1998 ; Amphoux, 2003) ont permis de montrer que la perception d’un environnement sonore ne se limite pas aux rapports sensibles qu’un individu peut avoir avec le monde qui l’entoure, mais se construit aussi à partir des représentations individuelles (formées par le vécu, l’expérience et la remémoration) et des représentations collectives.

Pour observer et analyser les perceptions et/ou les représentations d’un individu, il faut considérer le groupe dans lequel il évolue et les connaissances qu’il construit et partage. Ces connaissances peuvent être étudiées par le biais du langage, car les moyens d’expressions en langue sont un vecteur observable des manifestations de ces perceptions et de ces représentations qu’elles soient individuelles, collectives ou partagées. L’analyse linguistique examinant les universaux et les variations du corpus de verbalisations permet ainsi d’effectuer les relations entre perception, représentation et expression et constitue le lien entre l’individuel et le collectif. Pour solliciter le discours auprès des adultes, diverses techniques d’enquêtes ont été proposées (pour une étude bibliographique sur ces techniques, voir la thèse de Solène Marry sur la perception sonore dans les espaces publics (Marry, 2011). Mais, comment recueillir des informations de la part d’enfants, toujours en apprentissage et n’ayant pas les mêmes références en langue qu’un adulte ? L’emploi du langage écrit comme moyen d’accès aux perceptions et aux représentations sensibles risque-t-il d’être un vecteur d’information limité comparativement à la sensibilité d’un enfant ?

Méthodologie

Pour pallier à ces questions, nous avons eu recours à la représentation graphique pour demander aux enfants de décrire les ambiances sonores de leur collège. Les cartes mentales sonores ont été utilisées dès les années 70, dans la mouvance des travaux de Kevin Lynch sur les représentations spatiales (Lynch, 1969). Michael Southworth s’appuie sur des « sound event maps », en complément de parcours sensoriels, pour travailler sur l’évaluation des environnements sonores urbains (Southworth, 1969). Dans son étude, il demande aux participants (certains disposant uniquement de la vue, certains uniquement de l’ouïe, et certains disposant des deux sens) de dessiner la séquence urbaine parcourue. Il en déduit une carte synthétique où sont représentés les éléments visuels et sonores. Raymond Schäfer met au point les « sound maps » pour représenter graphiquement les paysages sonores (Schäfer, 1977). Par des représentations graphiques sous forme d’histogrammes, il traduit la prégnance des différentes sources dans un espace urbain. D’autres chercheurs depuis ont eu recours aux cartes mentales sonores afin d’appréhender les représentations sonores urbaines (Augoyard, 1991 ; Lopez Barrio, Carles, 1995 ; Maffiolo, 1999 ; Paquette, 2004). Pascal Amphoux définit la carte mentale sonore comme « un moyen efficace de transgresser la difficulté inhérente de représenter du son » (Amphoux, 2003). Mais comme le suggèrent certains chercheurs (Moser, Weiss, 2003), la technique de la carte mentale gagne à être associée à des entretiens afin de comprendre plus finement les significations et les raisonnements sous-jacents au contenu et à la structuration des cartes mentales. Dans le cadre de ce travail sur les ambiances sonores des collèges, nous avons donc demandé aux enfants de commenter leurs dessins au moyen d’expressions écrites (ou orales pour les classes SEGPA), afin de ne pas faire d’interprétation abusive de leurs cartes sonores.

Le travail d’analyse a consisté à s’appuyer sur le sens (signification) que les enfants donnent aux sons qui les entourent (à partir de leurs productions verbales ou graphiques) pour en déduire la structure et les propriétés des représentations des ambiances sonores, représentations individuelles et collectives, plus ou moins largement partagées (Dubois, 2000). Cette étape permet de comprendre les différentes stratégies d’évaluation de la qualité acoustique des espaces intérieurs et extérieurs des établissements, en fonction des populations et ainsi enrichir la connaissance sur les sons du quotidien, encore mal connus dans les pratiques « d’habiter les espaces » (Chelkoff et al., 1987).

Terrains d’étude

La participation du Conseil Général du Val d’Oise à cette étude a permis d’accéder à trois collèges situés sur la ville de Cergy (95), au 2ème et 3ème trimestre de l’année 2001-2002 :
– le collège des Touleuses (construction 1970, capacité 924 élèves pour l’année 2001-2002),
– le collège de La Justice (construction 1978, capacité 776 élèves pour l’année 2001-2002),
– le collège Gérard Philippe (construction 1983, capacité 772 élèves pour l’année 2001-2002).

Ces trois collèges sont très proches géographiquement. Ils ont été choisis car ils accueillent des enfants de populations sociales différentes. Bien que construits depuis moins de 30 ans, ces établissements ont été programmés sans aucune recommandation concernant la qualité sonore des espaces ou des structures. Nous verrons par la suite que ces trois collèges possèdent des sonneries différentes qui donnent à chacun une identité sonore particulière.
Les trois collèges étudiés sur la ville de Cergy reçoivent :
– entre 700 et 1000 élèves,
– une soixantaine de professeurs
– et une vingtaine d’employées (personnels administratifs et techniques).

Le collège des Touleuses, établi à Cergy-Sud (quartier de Cergy – Préfecture), accueille donc une population dont les profils socio-économiques sont plus diversifiés comparativement aux deux autres collèges, établis à Cergy – Saint Christophe, qui font partie d’un réseau d’éducation prioritaire (REP, sans être classé ZEP). Dans l’ensemble, les directeurs et personnels administratifs des collèges ont été assez coopératifs au projet, nous ont ouvert leur locaux et nous ont introduit auprès des professeurs. Les circonstances ont fait qu’il a été plus délicat d’entrer en contact avec le collège Gérard Philippe (quartier de Cergy – Saint Christophe). Étant en restructuration d’activités pour l’année suivante, la directrice craignait une vive réaction de contestation des professeurs. Ce contre temps nous a obligé à repousser nos interventions au 3ème trimestre pour les procédures enquêtes, ce qui n’est pas la meilleure période car surchargée d’activités : conseil de classe et projets de fin d’année. Nous devons rappeler que l’obtention des autorisations d’accès aux établissements demande du temps mais reste indispensable pour accéder aux bâtiments scolaires dont l’environnement est clôturé et fermé au public pour des raison de sécurité depuis une vingtaine d’année. Le plan « Vigipirate » était d’ailleurs de vigueur lors de nos interventions.

Consigne

Les élèves ont été rencontrés pendant leurs heures de cours gérées par un professeur principal. Celui-ci s’est chargé de présenter l’intervenant du projet dont la consigne était la suivante : « Représentez par un ou plusieurs dessins les ambiances sonores qui caractérisent votre collège. Le but est d’aider les architectes à concevoir des collèges qui auront des qualités acoustiques intéressantes. Pour cela, on a besoin de savoir comment les élèves, les professeurs, les surveillants, les personnels administratifs et techniques perçoivent les sons qui les entourent. » Les élèves devaient dessiner individuellement sur leur table. Ils devaient commenter leurs dessins par écrit ou individuellement à l’oral pour les classes d’intégration professionnelle SEGPA.

Effectifs des élèves interrogés
Quatre classes au collège des Touleuses ont été rencontrées, grâce à la participation de trois enseignants de Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA), de français et d’histoire géographie: deux classes classiques de 6ème et 4ème, une classe musicale pratiquant 1 heure d’éducation musicale au collège (comme toutes les classes) plus 4 heures de musique au conservatoire par semaine ainsi que des élèves de SEGPA (classe d’intégration professionnelle). Les enquêtes se sont déroulées pendant l’heure de cours ou l’heure de vie de classe pour les élèves de 6ème uniquement. Trois classes du collège Gérard Philippe avec le concours de professeurs de dessin, de français et de musique ont été interrogées : deux classes d’enseignement « classique » et la « classe orchestre » du collège (2 heures de répétitions supplémentaires par semaine). De même, quatre classes d’enseignement « classique » ont été questionnées au collège de La Justice grâce à la participation d’une enseignante d’éducation musicale.

Figure 1 : Effectifs interrogés dans les trois collèges de la ville de Cergy

Analyse des dessins

Pour analyser ce qu’ont voulu évoquer les enfants, nous avons été attentifs aux types de dessin utilisés (qu’est ce qui est décrit). Graphiquement, les dessins s’appuient-ils sur une représentation des sources de bruit visibles ou simplement identifiées, s’appuient-ils sur des scènes de la vie quotidienne ou bien s’appuient-ils sur une représentation graphique directe du sonore? Nous nous sommes appuyés sur le classement des types de graphismes proposé par Valérie Maffiolo et Danièle Dubois suite à leur étude sur la ville de Paris (Maffiolo, 1999 ; Dubois et al., 1998) dans laquelle quatre types de graphismes sont proposés. Le premier type regroupe des dessins qui présentent des objets sortis de leur contexte. Le second type regroupe les illustrations des situations sonores. Le troisième type est formé par des représentations qui structurent le sonore sous forme de cartographie. Enfin les dessins qui évoquent les phénomènes sonores par des signes abstraits (taches, points, traînées, etc.) remplissant l’espace forment le quatrième groupe.

Nous pourrons observer par exemple le caractère sémantique du bruit c’est à dire quelles sont les catégories d’objets qui sont dessinées par les enfants (montre, stylo, craie etc.). Certains objets, comme les sonneries des collèges, ont mérité une enquête plus poussée. Lorsque des situations sont représentées, nous pourrons alors nous intéresser aux usages, c’est à dire aux activités qui ont lieu dans l’espace et dans le temps. Il est ici particulièrement intéressant d’observer les modes de représentation du temps, élément régulateur du fonctionnement « technico-social » des établissements d’enseignement (Ignazi et al., 1993). Les élèves relatent-ils un moment, une heure ou une période dans leur dessin, comment l’ont-ils indiqué et y ont-ils associé un jugement ? L’analyse des modes graphiques symbolisant une temporalité, suggérée ou indiquée, est un indice de l’appréciation temporelle des phénomènes sonores, comme l’impact de la répétitivité et de la durée par exemple.

Enfin, l’analyse des descriptions permet aussi de poser la question de la représentation de soi et des autres dans les dessins des élèves. Les travaux de Sophie David ont montré l’importance des marques de la personne (je/ me/ moi ou on) dans les discours d’individus qui s’expriment sur les phénomènes sonores (David, 1997). Il est donc intéressant d’analyser si l’élève s’est représenté dans son dessin et comment il y a représenté les autres (élèves ou adultes). L’analyse des représentations de soi s’appuie sur des travaux en pédiatrie analysant l’expression de la douleur chez de jeunes patients (Gauvain-Piquard et al., 2000). Dans cette étude, la taille et la place dans la feuille du signe représentant le malade sont des critères distinctifs. Pour notre travail, l’analyse de la place du sujet dans le dessin permet d’observer l’implication de l’élève dans sa représentation de l’ambiance sonore de son collège.

Type de dessins représentant des objets hors contexte

Les sources sonores sont décrites en tant qu’OBJETS dont les caractéristiques sonores sont exprimées soit avec des commentaires sous forme d’onomatopées, soit avec un graphisme de la vibration sonore, soit les deux. Le mode graphique associé aux objets semble traduire une possible nuance d’appréciation : l’identification (dessin sans commentaire), la caractérisation (dessin avec onomatopées), l’intensité de la perception sonore (tracé des vibrations ou ondes sonores). Quelques exemples de dessins sont présentés Figure 2.

Figure 2 : Liste des sources sonores citées par les élèves des trois collèges

Les sources OBJETS décontextualisées sont, dans la plupart des cas, dépourvues d’individus pour actionner la source de bruit, mis à part quand les élèves ont désigné des bruits humains comme la voix ou les pas. Ce sont des objets inanimés, les portes, les tables ou les chaises qui font du bruit et composent l’ambiance du collège. Ce genre de dessin désigne une source de bruit jugée plutôt désagréable quand on n’en est pas l’auteur car le bruit vient alors perturber une autre action, qu’il s’agisse de concentration ou de jeu. Les élèves expriment alors un jugement résigné de l’ambiance sonore du collège. Nous verrons plus loin à propos des marques de la personne dans les dessins que, en omettant de dessiner le responsable du geste sonore, les élèves rendent le mobilier du collège coupable de leur condition et non les pratiques et usages de ce mobilier. Les élèves se positionnent de manière extérieure, subie ou indifférente, à l’ambiance qu’ils représentent. Dans cet article, tous les objets sonores ne seront pas analysés, mais ceux qui marquent l’importance de la temporalité dans la vie des enfants seront développés, avec une attention particulière pour la sonnerie qui rythme la journée des enfants.

Figure 3 : Exemples de divers OBJETS décontextualisés

Objets illustrant le temps qui passe : les horloges
Les dessins d’horloge en tant qu’OBJET décontextualisé (Figure 4), renvoient directement à l’identification de moments précis de la vie scolaire, moments ponctués par la sonnerie du collège. La représentation du temps par une horloge signifie soit un stress (la sonnerie qui revient toutes les heures), soit une libération (le moment de la récréation par exemple).

Figure 4 : Exemples de symbolisation de l’heure

Appréciations différenciées des sonneries
La vie scolaire est ponctuée par la sonnerie. Celle-ci fait partie des événements sonores très présents dans les établissements scolaires de part son occurrence journalière élevée de 10 à 15 émissions. Les trois collèges des Touleuses, de la Justice et Gérard Philippe possèdent trois types de sonneries différentes : respectivement une sonnerie classique à cloche, une sonnerie électronique et un extrait de musique baroque.

Quels que soient les collèges et les classes, la sonnerie fait partie des événements sonores les plus cités, arrivant en seconde ou troisième position derrière « les élèves » et parfois « les autres », entre en moyenne 11% et 15% en fonction des collèges (Figure 2). Graphiquement, elle est le plus souvent représentée, par le système qui l’émet ou par sa nature accompagnée ou non de l’onomatopée correspondante (dring). Au collège des Touleuses, elle prend la forme d’une cloche ronde excitée par un bras (Figure 5 a). Il est étonnant de constater que les enfants connaissent le fonctionnement du système alors qu’il n’est pas visible. Au collège de la justice elle est représentée par un boîtier duquel sortent des ondes (Figure 5 b). Certains élèves l’ont néanmoins représenté sous la même forme que celle des Touleuses. On peut alors supposer qu’ils parlent de la sonnerie de manière générique (la cloche étant la sonnerie la plus répandue encore aujourd’hui) ou qu’il n’y a pas pour eux de différence entre les systèmes. Au collège Gérard Philippe où la sonnerie est musicale, les représentations associées sont empruntées à l’univers de la musique : instruments (guitare, violon, trompette), portée avec clé de sol et notes (Figure 5 c). On le constate, la sonnerie n’est pas seulement un signal, mais un objet qui possède une forme spécifique que les élèves ont très bien analysée.

Figure 5 : Dessins représentant respectivement la sonnerie du collège des Touleuses (a), celle du collège de la Justice (b), et celle du collège Gérard Philippe (c)

Pour comprendre la spécificité de la sonnerie, des enquêtes spécifiques ont été menées auprès des mêmes enfants des collèges, mais après la réalisation des dessins. La sonnerie est « stressante », « agaçante », « énervante », « effrayante », elle fait également mal aux oreilles et ce quelque soit le collège concerné. Notons néanmoins que les enfants font la différence entre le signal de sonnerie tel qu’il est et sa signification. En effet, il peut devenir agréable dès lors qu’il indique la récréation, la fin du cours, etc.: « elle est bien quand elle nous dit on peut rentrer à la maison », « dring la fin des cours« , « J’aime car ça indique la fin des cours mais aussi le début des cours mais on fait moins attention« , « On fait plus attention à celle de la fin car on l’attend« , « La sonnerie pour dire c’est fini, c’est bien parce que c’est fini le cours« , « la sonnerie du collège qui fait un bruit horrible mais que l’on est content d’entendre car c’est la fin des cours« .

Quelques élèves évoquent leur lassitude. « J’en ai marre de cette sonnerie ; toutes les heures, tous les jours tous les mois, tous les ans, nous entendons la même sonnerie qui retentit dans nos oreilles et ça commence à me déplaire« .
Les élèves des collèges possédant une sonnerie à cloche ou électronique sont pour la changer. Ils suggèrent de la remplacer par une musique « j’aurais préféré qu’il y ait de la musique à la place de la sonnerie« , « on devrait mettre de la musique en guise de sonnerie ou une voix douce« , « si la sonnerie était une mélodie, ce serait mieux, etc. « . Cependant, les élèves du collège Gérard Philippe qui possèdent une sonnerie musicale n’en sont pas très contents « la musique est nulle« , « elle est pas terrible » mais reconnaissent la difficulté à mettre une musique qui plaise à tout le monde « une personne qui aime, une autre qui n’aime pas la musique classique. Il veut de la musique Rap, il n’aime pas la musique classique. Elle n’aime pas la musique Rap« . On constate d’ailleurs, si l’on analyse l’évolution des jugements de la 6ème à la 3ème, que les taux de jugements négatifs s’amenuisent pour les sonneries non musicales et que c’est le contraire pour les sonneries musicales. Au fil des ans, un signal non musical génère une habitude ou une indifférence alors qu’un signal musical, beaucoup moins neutre, devient lassant voire énervant. Ceci peut se concevoir aisément, si l’on écoute dix fois par jour un morceau que l’on aime particulièrement, il ne faudra pas six mois pour finir par l’exécrer!

Type de dessins représentants des situations sonores

Les représentations de type SITUATIONS sonores regroupent les dessins qui décrivent un lieu (salle de classe, Centre de Documentation de d’Information, cour de récréation : Figure 7), une activité à travers des sources sonores identifiées à un moment donné (par exemple, indication de l’heure). Ces situations sonores du collège sont présentées soit de manière individuelle (différents dessins séparés), soit sous forme de bandes dessinées (Figure 8) avec une notion temporelle supplémentaire : le déroulement dans le temps et le sentiment de durée. Les occurrences des principaux lieux cités sont présentées dans la Figure 6.

Figure 6 : Lieux cités par les élèves dans les descriptions des ambiances sonores

Parmi les lieux mentionnés du collège, les classes, les couloirs et la cours de récréation sont majoritairement évoquées. Les élèves passant la majeure partie de leur journée en classe, il est logique que ce lieu prenne une grande importance. Il est en revanche intéressant d’observer que les couloirs et la cour sont des lieux marquants bien que, proportionnellement, les élèves y passent peu de temps. Nous retrouvons ici l’importance de l’espace social « hors de la classe« , au sens de Peter Woods (Woods, 1990), où se développe une éducation « parallèle » au sein d’un établissement. D’ailleurs, sur la Figure 8, on peut noter la remarque au moment du repas: « J’adore le moment de la cantine même si c’est bruyant, c’est mon moment convivial« . Ces lieux « hors de la classe » sont donc à ne pas négliger (Hamayon, Fritsh, 1994).

Figure 7 : Exemples de diverses SITUATIONS sonores du collège décrivant des lieux


Figure 8 : Exemples de SITUATIONS sonores du collège décrivant la durée sous forme de bande dessinée


Figure 9 : Synthèse des types graphiques utilisés selon les trois collèges

Ce tableau montre que les élèves de collèges décrivent les ambiances sonores majoritairement au travers des deux premiers types d’identifications :
– de sources OBJETS décontextualisées, c’est à dire sans précision de lieu ou d’activité.
– des événements sonores, représentés par une ou plusieurs SITUATIONS du collège (contexte d’activité, en un lieu, à un moment donné), impliquant ou non une indication temporelle (moment ou durée).
Les escaliers comme éléments constructifs sources de stress
Au travers de la figuration des lieux du collège, toutes les descriptions et appréciations des éléments constructifs du bâtiment nous intéressent plus particulièrement. Encore une fois dans cet article, tous les lieux ne seront pas analysés, mais quelques exemples seront présentés. Nous avons analysé les représentations des escaliers des trois collèges (illustrés Figure 10). Si relativement peu d’élèves ont évoqués ces lieux (3%), les dessins représentant des escaliers se distinguent par la relation entre la géométrie de l’espace et l’usage (circulation) qui en est fait. Alors que dans les couloirs (autres lieux de circulation) les élèves évoquent surtout la sonnerie, les voix et la réverbération, les actions situées dans les escaliers relatent des événements sonores agressifs (chute, écrasement), du fait des mouvements de compression que son usage occasionne. Les escaliers sont des espaces étroits, en pente et même parfois glissants, difficilement surveillés, où les élèves sont le plus souvent pressés, ayant que peu de temps pour changer de cours ou se précipitant à l’extérieur pour la récréation.

Figure 10 : Illustrations de dessins d’escaliers pour les trois collèges


Les parois séparatrices comme éléments constructifs sources de gêne
L’analyse des SITUATIONS sonores du collège fait aussi ressortir une perméabilité sonore entre des lieux dont les activités divergent. Plusieurs dessins font ressortir l’existence de « relations sonores » entre par exemple, les classes, a priori silencieuses, et les couloirs où des élèves « en retard » ou « qui n’ont pas cours » font du bruit, ou bien même, les classes « calmes » vis-à-vis des autres classes quand « les élèves ont fini et mettent les chaises sur les tables » ou « ils chahutent ». La Figure 11 illustre des SITUATIONS sonores où les bruits d’un espace contigu à la classe viennent perturber l’activité de celle-ci.

Figure 11 : Illustration des relations sonores entre lieux du collège : classe/couloir ou classe/classe

Il est à noter ici que le collège Gérard Philippe qui est le plus récent, est aussi celui qui a une meilleure isolation acoustique entre les salles de cours (Lavandier et al., 2004). C’est dans ce collège que les enfants entendent le bruit des craies sur le tableau et qu’ils entendent le bruit de la pluie sur les carreaux. Une meilleure isolation acoustique permet de détecter des sons de faible intensité, ce qui n’est pas forcément gage de qualité lorsque ces sons ne sont pas appréciés.

Type de dessins représentant des cartographies sonores
Les CARTOGRAPHIES sonores (Figure 12) sont peu représentées dans l’ensemble des productions graphiques des enfants (seulement 4% de l’ensemble des dessins dans les trois collèges confondus). Elles se présentent sous forme de plans à différentes échelles (de la classe à la France, en passant par le collège). On remarque que la propagation sonore est bien illustrée par la représentation des ondes produites par le professeur. On retrouve aussi la transparence acoustique des parois entre la salle de classe et le couloir (dessin en haut à gauche). La transparence acoustique se trouve abordée de façon humoristique ici lorsque la sonnerie se propage jusqu’à Marseille. On trouve aussi la notion d’échelle des intensités sonores.

Figure 12 : Exemples d’illustration sous forme de CARTOGRAPHIES

Type de dessins représentant le phénomène sonore en lui-même

Les dessins représentant uniquement les SONS (figure 13) révèlent une interprétation personnelle plus inventée et imaginative des ambiances sonores du collège. Dans les légendes des dessins de ce type, les élèves peuvent à nouveaux désigner des sources de bruit et/ou des situations sonores, mais ces représentations ne sont en aucun cas compréhensibles sans explication.
Si la notion d’intensité sonore a pu être révélée dans les autres types de représentations (les enfants qui se bouchent les oreilles, la notion d’échelle d’intensité, etc.) ce type de représentation permet d’aborder d’autres notions comme les intonations que l’on pourrait rapprocher du timbre. Il faut remarquer ici que très peu de dessins sont de ce type (6% du total des dessins). Ils n’ont été produits que par les enfants dans la classe de dessin au collège Gérard Philippe. L’expression artistique mobilisée en général dans les cours de dessin a permis une expression différente de celle mobilisée dans les classes à thématiques plus scolaires.
Nous avons vu que la propagation sonore est représentée dans de nombreux dessins, mais que la manière dont sonne l’espace est peu illustrée. La résonnance est surtout mentionnée à l’écrit et principalement pour les couloirs et ce quelque soit le collège (La sonnerie fait mal aux oreilles et les couloirs aussi résonnent beaucoup. Il faudrait les insonoriser; Comme bruit, il y a la sonnerie (dring) et elle résonne dans les couloirs et ça fait mal à la tête; Dans les couloirs, ça résonne avec le bruit des pas dans les escaliers). La résonnance est plutôt associée au niveau sonore qui augmente en sa présence plutôt que comme phénomène sonore perçu en tant que tel.

Figure 13 : Exemples de représentations graphiques du SON lui-même

Les marques de la personne : ambiance vécue ou ambiance subie ?
L’implication des locuteurs dans leurs discours (David 1997), peut être observée par l’étude des marques de la personne (Figure 14). Certains enfants se représentent eux-mêmes sur leur dessin (Figure 15). Les élèves des collèges des Touleuses et de la Justice décrivent les ambiances sonores de leurs collèges grâce à une syntaxe élaborée, composée de phrases avec sujet (majoritairement impliqué : « je ») ce qui traduit une mise à distance des élèves par rapport à ce qu’ils retracent. Comparativement, les élèves du collège G. Philippe ne se sont pas impliqués dans leur discours et exposent en majorité une grande liste de sources OBJET décontextualisées.

Figure 14 : Descriptions des marques de la personne employées par les élèves

Les élèves des collèges des Touleuses et de la Justice se considèrent eux-mêmes comme sources OBJETS dans ces collèges (respectivement 25 % et 16 % des objets cités Figure 2). Comparativement, les élèves du collège G. Philippe ne se sont pas imaginés produire du bruit eux-mêmes (uniquement 3 % Figure 2). Cette remarque est à mettre en parallèle avec le fait que les enfants exposent en majorité une grande liste de sources OBJETS décontextualisées dans ce dernier collège (60 % des dessins, respectivement 27 % aux Touleuses, Figure 9). Pour des raisons qui tiennent à l’histoire personnelle des enfants, ou pour des raisons contextuelles, ce sont les enfants les plus agressés par le bruit qui réagissent ainsi.

Figure 15 : Illustration de diverses représentations de l’élève dans son dessin

CONCLUSION

Les enjeux de cette recherche visaient principalement à améliorer la programmation architecturale des établissements d’enseignements. On peut donc regarder quelles ont été les conclusions qui ont été tirées de cette étude d’un point de vue opérationnel. Mais on peut aussi d’un point de vue méthodologique voir comment les enquêtes pourraient être améliorées ou comment les analyses pourraient être poursuivies.

Point de vue opérationnel
Trois niveaux d’intervention peuvent être proposés pour « Construire des établissements d’enseignement avec les sons » :
(1) La prise en compte de la dimension sonore peut s’effectuer à un niveau global dès la conception des établissements d’enseignements. Dans l’analyse des dessins, nous avons pu observer l’importance de la relation aux autres. L’analyse des ambiances sonores induit alors un traitement du bruit au niveau fonctionnel et donc à un niveau plus global de l’organisation d’un bâtiment (gestion des effectifs par volume, gestion des activités, gestion des flux de circulation, etc.). (2) La prise en compte de la dimension sonore peut s’effectuer en portant une attention particulière à la place de certaines sources de bruit. L’analyse des dessins d’enfants confirme la représentation des ambiances au travers de l’identification de sources, dont les principales catégories sont les suivantes :
– les usagers du collège (« professeurs », « élèves / enfants », « personnes / individus / tout le monde / gens ») désignés par leurs activités comme acteurs des ambiances sonores du collège.
– les signaux sonores du collège : la « sonnerie », qui ponctue la journée, est appréciée différemment selon l’endroit où l’on se trouve, le moment ou le type de signal ; l’ »alarme » incendie, jugée désagréable, sert avant tout à prévenir d’un danger, elle est donc considérée comme utile ; il y a aussi les divers « montres, réveils » et les « téléphones » qui perturbent un cours.
– Les divers équipements du collège comme :
– Les équipements liés au bâtiment (gros équipements) : les « fenêtres / portes / tables / chaises » des salles de classes et couloirs, la « chasse d’eau » des toilettes, la « vaisselle / les couverts » à la cantine, la « chaîne Hi-Fi / radiocassette / stéréo » et les instruments du cours de musique ou de langue vivante, les « ordinateurs » du CDI.
– Les petits équipements individuels utilisés à l’extérieur ou à l’intérieur des locaux du collège : les « objets » prescrits en classe comme les « stylos / feuilles / règles en fer / bouchons / trousses » ou comme les bijoux / clefs / nourriture » et ceux utilisés dans la cour de récréation comme les « ballons / pétards ».
– Les objets extérieurs au collège comme les bruits de la nature (« pluie / orage / oiseaux / vent dans les feuilles »), les bruits de transport / travaux (« voitures / bus / ouvriers / tondeuse à gazon »).

L’analyse de jugements associés aux types d’objets induit alors un traitement du bruit non plus au niveau acoustique mais au niveau de la symbolique de la source objet. En effet, le traitement des sources objet ne peut être implicite quand on observe que les usagers eux mêmes sont jugés sources de bruit. Si les activités des élèves sont identifiées comme sources de bruit, il est alors possible d’agir sur l’organisation spatio-temporelle de ces activités dans l’établissement. Cette organisation pourrait s’appuyer sur une analyse ergonomique. Comme certains chercheurs le suggèrent (Haines, 2002 ; Stansfeld, Clark, 2007), il serait pertinent d’organiser les espaces des établissements d’enseignement suivant les types d’activités des différentes classes (et non pas seulement les types de fonction : cours, circulation, réfectoire). En effet, beaucoup d’études ont montré que les performances d’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont fortement influencées par le bruit environnant, tandis que les recherches ne sont pas aussi catégoriques pour les apprentissages des mathématiques. Les activités à fortes sollicitations cognitives devraient être acoustiquement isolées des autres. De plus, donner accès à des endroits particulièrement calmes au cours de la journée pourrait être bénéfique aux apprentissages des enfants.
(3) Enfin, la prise en compte de la dimension sonore peut s’appuyer sur des connaissances en acoustique physique. Par exemple, si le volume « résonne » ou si « on entend les autres discuter dans les couloirs quand on est en classe », les mesures d’isolation et de durée de réverbération rendent possible la quantification de ces appréciations. Le jugement du signal sonore de la sonnerie de cours, « trop fort », « strident » ou encore « mal répartie », fait aussi appel au savoir en design sonore par l’étude du traitement du signal lui même et de sa mise en place dans un contexte spatial.
On peut remarquer que la réglementation acoustique française (qui n’était pas encore en vigueur au moment où les collèges étudiés ont été construits) essaie de régler certaines des préoccupations des enfants dévoilées par les dessins : la qualité acoustique des salles, la sonorité dans les couloirs et l’isolation entre les salles de classes (Lavandier et al., 2004). On doit alors conseiller aux architectes de porter particulièrement leur attention sur les deux points suivants: l’isolation avec les couloirs en mettant des portes de qualité ou en éloignant les circulations massives des salles de classes, et l’isolement aux bruits d’impact en mettant aux étages des revêtements de sol adaptés. Il est à regretter que le nouvel arrêté (J.O., 2003), qui traduit la réglementation dans le cadre de la normalisation européenne, soit moins contraignant que l’arrêté précédent (J.O. 1995) pour la quantité d’absorbants dans les circulations et moins contraignant pour la qualité isolante des portes entre deux salles de classes. Ces deux aspects ont pourtant clairement été mentionnés comme faisant partie des priorités pour le confort d’usage des enfants. De plus, il est à signaler que ce retour en arrière concernant les exigences acoustiques est rare dans l’histoire de la réglementation. Par contre, la réglementation n’aborde pas le problème du design sonore du mobilier (tables, chaises). Elle n’aborde pas les caractéristiques des cours de récréation. Elle n’aborde absolument pas non plus la qualité de la sonnerie, qui pourtant règle le fonctionnement du collège, et donc rythme la vie des enfants dans leur établissement. En ne s’intéressant qu’à la géographie des lieux qui sont dédiés aux enfants, les maîtres d’ouvrages risqueraient de ne pas prendre en compte les rythmes des collèges qui sont pourtant si importants pour leur qualité d’usage.

Point de vue méthodologique

La méthode des cartes mentales sonores s’est avérée bien adaptée pour comprendre comment les enfants appréhendent la dimension sonore dans leur rapport à l’espace. En effet, le recours au dessin a permis de questionner cette jeune population sur ses représentations, sans trop les contraindre à utiliser l’écrit qu’ils ne maîtrisent pas forcément comme les adultes. Les enfants ont été questionnés sur le lieu même de leur collège, sans être prévenu par leur professeur à l’avance, dans une salle de cours, ce qui n’est pas sans conséquence sur leurs dessins. En effet, nous avons vu que les élèves qui ont réalisé l’étude avec leur professeur de dessin (dans la salle de dessin) ont fait des dessins plus imaginatifs, sans référence au paysage visuel de leur collège. Par contre, les élèves de classes musicales ne semblent pas avoir eu plus recours à la symbolique musicale que les autres élèves. Faudrait-il interroger les enfants systématiquement en cours de dessin pour libérer leur imagination ? Faudrait-il les interroger en dehors du collège pour ne pas avoir le biais de la salle ou du professeur ? Ou faudrait-il au contraire les prévenir de l’intervention du chercheur, afin que les enfants « ouvrent » leurs oreilles les quelques jours précédents pour mieux être à l’écoute de leur environnement sonore ?
Nous avons choisi pour des raisons de simplicité par rapport aux partenaires du projet de travailler sur une même commune, dans laquelle les architectures, bien que différentes, étaient néanmoins modernes. Il aurait été intéressant de croiser les regards sur des collèges plus anciens, plus compacts, avec des populations sociales plus différenciées. Une variabilité plus grande dans les types d’architectures aurait peut-être permis de mieux révéler les liens entre morphologie spatiale et représentation sonores. Cette étude a permis aussi d’insister sur l’enfant qui, en fonction de la qualité de son cadre de vie ou de travail, va pouvoir écouter ou subir son environnement sonore. Il aurait été intéressant de faire le lien entre statut social de la famille de l’enfant et ses représentations. Le corpus de dessins a permis de voir que les représentations des ambiances sonores dans les collèges ont les mêmes structures et propriétés que celles qui caractérisent les ambiances sonores en ville. Par exemple, l’importance de la source (Lavandier 2006, Brown 2011), l’importance du contexte (Vogel, 1999 ; Viollon et al., 2002 ; Guastavino, 2003) et le rôle de l’activité des usagers des lieux (Mzali, 2000) ont déjà été mis en évidence pour la perception sonore urbaine. Mais l’étude présentée ici n’analyse pas toutes les richesses expressives des dessins. Par exemple, nous pourrions regarder les modes de représentations du sonore, par les traits symbolisant les ondes, par les représentations de leur propagation, de leur diffusion. Nous pourrions aussi regarder quand et pourquoi les enfants ont recours à des onomatopées ou à des bulles inspirées du langage des bandes dessinées (Perianez, 1983 ; Santos Alves Da Silva, 1993 ; Regnault-Bousquet, 2001).
Cet article présente donc les résultats d’un travail empirique, dont l’originalité a été d’appliquer des méthodes d’enquêtes classiques comme les cartes mentales sonores à des populations peu questionnés (les enfants), et à des terrains d’études qui les concerne en particuliers (leur collège). Il est fort probable que cette méthode des cartes mentales puisse s’appliquer à d’autres domaines que le sonore pour étudier le rapport que tissent les enfants avec leur espace de vie en général.

Remerciements
Cette recherche a été financée par le PUCA en 2002 dans le cadre de son programme « Construire avec les sons ». Les auteurs remercient Pascale Cheminée et Danièle Dubois pour leur aide dans les analyses linguistiques, Frédérique Guyot pour son travail sur les sonneries des collèges, Yann Chevalier du Conseil Général du Val d’Oise et tous les enseignants et principaux des trois collèges sans qui aucun travail constructif n’aurait été possible.

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